Patrick Braouezec, président de Plaine commune, pratique-t-il le double langage? Présent dans nombre de Forums sociaux mondiaux, depuis leur création, accueillant même à l’occasion un Forum social européen (en 2003), son territoire déroule en même temps le tapis rouge à la multinationale Veolia qui a installé son siège social à Aubervilliers en 2016, à Vinci et à bien d’autres…
Cette ambiguïté, le mot est faible, se confirme une nouvelle fois en ce qui concerne la gestion de l’eau. Dans une note au bureau territorial du 5 juillet, Plaine commune prévoit sa ré-adhésion au SEDIF, dès le 26 septembre. Une position qui a bien du mal à passer notamment à Saint-Denis et à Aubervilliers où se développe au sein de la population, des associations et des élu-es de différentes tendances politiques, un mouvement de résistance à la privatisation de la gestion de l’eau. Analyse d’une vraie « fausse note » aux arguments éculés.
La note au bureau territorial du 5 juillet 2017 (LIRE ICI), affirme tout d’abord « la régie publique directe semble permettre d’assurer une meilleure gestion publique de l’eau« . Nous retenons notre souffle… Un vent d’insoumission soufflerait-il sur Plaine commune? Il suffit de tourner la page pour s’apercevoir qu’il n’en est rien. Un large satisfecit est accordé au SEDIF (auquel Plaine commune est adhérente depuis 2003) « Les installations de production et de distribution présentent des résultats très satisfaisants« . Visiblement le rapport de la chambre régionale des comptes épinglant la gestion du SEDIF (LIRE ICI) dérapant au plus grand bénéfice de Veolia, n’est pas arrivé jusqu’à Plaine commune… Concernant le tarif, « la part potable payée par les usagers du SEDIF s’élève à 1,37 € /m3 au 1er janvier 2017 et ne représente qu’une petite partie du prix de l’eau » Le qualificatif « petite » est sans doute trop modeste: c’est grosso modo un tiers de la facture (le reste étant l’assainissement et les taxes prélevées par l’agence de l’eau) et surtout, c’est bien plus cher qu’Eau de Paris (LIRE ICI comment s’explique la différence de tarif entre Eau de Paris et le SEDIF).
La possibilité d’une sortie du SEDIF des communes qui le souhaiteraient, on peut imaginer que ce soit le cas de Saint-Denis, est d’emblée écartée par la note: « la possibilité d’une adhésion partielle au SEDIF par l’EPT, différenciée par commune, n’est donc pas pertinente ; elle présente aussi plusieurs fragilités juridiques et des conséquences techniques et financières très complexes à gérer. » Plaine commune ne semble pas avoir eu connaissance non plus de l’étude juridique réalisée par le cabinet d’avocats Seban pour le territoire Grand Orly Seine Bièvre qui démontre tout le contraire (VOIR ICI feu vert juridique pour sortir du SEDIF). La complexité technique et financière est l’argument classique des élu-es qui ne veulent pas s’occuper de la gestion de l’eau et préfèrent se décharger de leurs responsabilités en la confiant au privé.
Suivent ensuite des vœux pieux, concernant « un prix de l’eau unique à l’échelle du bassin versant » dont nous sommes forts éloignés aujourd’hui: comment comptent s’y prendre les experts de Plaine commune pour parvenir à cet objectif? Ou encore, « La gouvernance du service public de l’eau doit s’appuyer sur des élus représentant l’établissement public territorial pour les décisions relatives à l’eau, en prenant en compte les poids des territoires »; rappelons que dans la vraie vie, au SEDIF, il en va tout autrement: une ville comme Saint-Denis avec plus de 100 000 habitants a le même poids (un élu) qu’une ville comme Margency (Val d’Oise ) avec ses …3000 habitants! Cherchez l’erreur!
Mais où est cohérence entre la forte satisfaction affichée vis à vis du SEDIF et des propositions de refonte radicale de son fonctionnement? Si tout va bien, pourquoi vouloir tout changer? S’il faut changer en profondeur, le système actuel convient-il si bien?
La fin est sans équivoque: « En définitive, il est proposé que Plaine Commune adhère au SEDIF« . Comme la pilule est sans doute difficile à faire passer pour ces grands défenseurs du service public (dans les forums internationaux en tout cas), il est proposé que « l’échéance de la fin de la délégation de service public (DSP) en 2022 soit l’occasion d’un retour en régie publique directe, au sein de ce syndicat. » Rappelons ce qu’a valu l’engagement pro-régie des élus communistes et socialistes au moment du précédent renouvellement de la DSP en 2008; une bonne partie d’entre eux avait alors voté, à bulletin secret, la continuation de la DSP! M. Poux, vice-président (PCF) de Plaine commune et du SEDIF, et maire de La Courneuve, avait ensuite, lors du choix de l’entreprise délégataire, fait part de son « abstention positive » en faveur de Veolia! Il n’y a pas de majorité en faveur d’une régie publique au sein du SEDIF, il s’agit donc d’une pure clause de style pour mieux faire passer le choix du SEDIF, c’est à dire de Veolia.
De son côté, Kader Chibane, vice-président de Plaine commune et président du groupe des élus EELV de Saint-Denis notait, lors d’une réunion publique à Est Ensemble le 7 juillet (LIRE ICI), que l’adhésion au SEDIF est irréversible. Si la sortie du SEDIF est possible en théorie à tout moment, elle est pratiquement et politiquement impossible, car il faut l’approbation d’une majorité qualifiée des deux tiers des membres du SEDIF pour en sortir ! On ne pourra pas en sortir en 2022, échéance de fin du contrat entre le SEDIF et Veolia, c’est un leurre repris par ceux qui ne veulent pas sortir du SEDIF.
C’est donc maintenant que se présente la vraie occasion pour avancer vers la gestion publique. Et pour un certain nombre d’élu-es, de mettre en concordance leurs discours et leurs actes. La pression citoyenne doit monter encore pour éviter le retour au SEDIF. Elle a déjà permis d’empêcher le vote de l’adhésion au SEDIF, mis déjà deux fois à l’ordre du jour du conseil territorial, en catimini, et deux fois retiré au dernier moment. Pour couper court au débat qui monte, Plaine commune prévoit maintenant de faire voter l’adhésion au SEDIF dès le mardi 26 septembre! Seule la mobilisation citoyenne peut mettre en échec ce mauvais plan.