Grand-Orly Seine Bièvre et Est Ensemble préparent leur avenir hors du Sedif

Depuis le 1er janvier 2021, 7 des 9 communes d’Est Ensemble (Seine-Saint-Denis) et 9 des 24 villes qui constituent Grand-Orly Seine Bièvre (Val-de-Marne/Essonne) ne font plus partie du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif). Mais les modalités de leur approvisionnement en eau ne devraient changer qu’à partir de 2024. La bataille de l’eau vue par le journal du Grand Paris du 12 mars 2021.

En 2017, trois territoires métropolitains –Est Ensemble, Plaine Commune (tous deux en Seine-Saint-Denis) et Grand-Orly Seine Bièvre (Val-de-Marne/Essonne) – avaient noué une convention provisoire (renouvelée deux fois) avec le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) pour prendre le temps de décider de leur ré-adhésion. Depuis les lois Maptam et NOTRe, la gestion de l’eau relève en effet des intercommunalités et plusieurs communes membres de ces EPT se montraient sceptiques, notamment, sur la délégation de service public accordée par le Sedif à Vedif (Veolia Eau d’Ile-de-France). Si Plaine Commune (Seine-Saint-Denis) a finalement décidé de redevenir membre du syndicat, sept des neufs communes d’Est Ensemble et 9 des 24 villes de Grand-Orly Seine Bièvre (GOSB) l’ont, en revanche, quitté au 1er janvier 2021, même si elles auraient souhaité maintenir encore un peu le statu-quo. Pour elles, le travail ne fait que commencer.

Pour l’instant, l’eau consommée sur leur territoire continue à arriver des usines du Sedif par les canalisations du syndicat. Seule différence : « Nous sommes désormais autorité organisatrice de l’eau sur le territoire des 9 communes concernées », explique Fatah Aggoune, maire-adjoint de Gentilly et chargé de piloter la question au sein de GOSB. Ce territoire, comme celui d’Est Ensemble, ont donc voté un budget annexe de l’eau et déterminé son tarif, inchangé pour le consommateur. Charge à eux, également, de verser à Vedif et au Sedif la quote-part de la facture d’eau qui leur revient, dont le prix, en cours de négociation, pourrait être supérieur à celui payé par les adhérents.

La prochaine étape est en effet de rédiger un contrat en bonne et due forme liant les deux territoires au Sedif et à Vedif jusqu’à la fin de la DSP de ce dernier. Autrement dit, jusqu’au 31 décembre 2023, cette dernière ayant été prolongée d’un an.

Régie publique

Ce contrat signé, il faudra ensuite constituer une régie publique de l’eau, sans doute dans la seconde partie de l’année 2021. Du moins si les communes concernées décident de donner suite à leur initiative : certaines attendent en effet la décision que prendra, en juin 2021, le Sedif, qui doit statuer à cette échéance sur le fait de procéder ou non à une nouvelle DSP à partir de 2024, et, si oui, quel périmètre il donnera à celle-ci : production et distribution, comme actuellement, ou simplement l’un ou l’autre des deux.

Tel est l’objet de la « Mission 2023 » qui doit proposer aux élus, fin mai, toutes les options possibles, avec par exemple l’allotissement d’un éventuel marché. Outre la gestion directe ou déléguée, une solution intermédiaire est étudiée avec la constitution d’une société dédiée, SPL ou Semop. Ce statut de société d’économie mixte à opération unique, assez récent, permet à une collectivité locale de lancer un appel d’offres en amont de la constitution de la société, pour désigner l’actionnaire opérateur qui s’associera avec elle. Constituée pour une durée limitée, la Semop a un objet unique, en l’occurrence, la gestion du service public de l’eau.

Un choix qui ne séduit pas particulièrement Jean-Claude Oliva, directeur du collectif Eau Ile-de-France, association qui regroupe des particuliers, des associations locales et des collectivités impliquées pour la gestion publique de l’eau. « Il en existe quelques-unes en France et mon impression est que l’actionnaire privé est en général majoritaire, et que ces structures ressemblent à des boîtes noires. Les citoyens ne sont pas représentés au conseil d’administration », observe-t-il.

Négociations ardues

Si la décision du Sedif sera suivie avec attention dans les 16 villes concernées, quelques autres communes pourraient également l’attendre avant de décider de leur avenir. Il s’agirait, notamment, de Villejuif (Val-de-Marne), où la nouvelle majorité municipale pourrait être tentée par l’aventure d’une régie publique de l’eau.

Si régie publique il y a, commenceront alors les négociations ardues. Du côté du Sedif, l’on estime, en effet, que les territoires sécessionnistes devront payer pour devenir propriétaires des infrastructures qu’elles vont utiliser, comme les canalisations d’eau. Du côté des territoires en revanche, on estime que la propriété est déjà acquise. « Nous sommes au Sedif depuis un siècle et avons contribué à financer toutes les infrastructures », explique ainsi un élu.

Mais le point d’achoppement le plus important est ailleurs : le Sedif exige en effet une déconnexion réelle du réseau, qu’il n’est « pas concevable de partager » fait valoir André Santini, son président. Les territoires devraient ainsi installer des vannes, des clapets anti-retour et tous les équipements permettant d’isoler totalement leur réseau. Un investissement qui pourrait atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros et nécessiter jusqu’à une dizaine d’années de travaux. Les territoires préconisent, eux, une « déconnexion virtuelle” : il suffirait alors de compter précisément les volumes d’eau consommés par les “sous-réseaux » et vérifier grâce à des capteurs que la qualité de l’eau y est au moins identique à celle exigée par le Sedif.

Impossible de savoir, aujourd’hui, si les discussions prendront, ou non, un tour contentieux. Fatah Aggoune espère, de son côté, « un accord où chacun puisse se retrouver ». André Santini rappelle de son côté que le Sedif a « promis de respecter leur décision ».

Un périmètre d’action à définir

Enfin, les futures régies devront préparer leur avenir : pourront-elles se procurer de l’eau auprès d’autres usines que celles du Sedif ? Nul doute que des discussions, notamment avec Eau de Paris, pourraient s’engager, d’autant que cette dernière a une usine à Orly, sur le territoire de Grand-Orly Seine Bièvre. Ces régies pourraient-elles, aussi, devenir productrices d’eau ? Aucune éventualité n’est aujourd’hui écartée. L’on regarde notamment avec attention, du côté d’Est Ensemble et de Grand-Orly Seine Bièvre, la façon dont le territoire de Grand Paris Sud (Essonne/Seine-et-Marne), dont la régie de distribution s’est récemment élargie à de nouvelles communes, se penche, lui-même, sur cette question et envisage de créer un syndicat de production d’eau potable.

Les neufs villes de GOSB sont : Arcueil, Cachan, Gentilly, Le Kremlin-BIcètre, Ivry-sur-Seine, Vitry-sur-Seine, Chevilly-Larue, Orly, Fresnes. Les sept villes d’Est Ensemble sont : Pantin, le Pré Saint-Gervais, les Lilas, Bondy, Montreuil, Romainville, Bagnolet.

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