Lors de la réunion de la commission du développement durable, les député.e.s macronistes ont rejeté la proposition de loi présentée par Gabriel Amard, visant à garantir l’accès à l’eau potable par la gratuité des premiers mètres cubes d’eau vitaux. Une mesure à laquelle sont pourtant favorables 86% des Français.e.s! Lire ci-dessous la présentation de Gabriel Amard et télécharger le rapport complet. C’est un document informatif et pédagogique qui peut servir de base pour poursuivre l’action en faveur de l’accès à l’eau pour tou.te.s.
Cette proposition de loi est le fruit d’une longue suite de travaux, de propositions, de mobilisations, d’expériences de collectivités, des associations, des chercheurs, des élus, des techniciens pour garantir l’accès à l’eau potable pour toutes et tous.
Cette proposition de loi est aussi le fruit de mon engagement et de ma propre expérience. En tant que maire et ancien président d’une communauté d’agglomération ayant créé, en 2011, une régie publique de l’eau et instauré la gratuité des mètres cubes destinés à la survie. Le niveau était alors encore faible – 3 litres par jour par personne – par rapport à ce qui est avancé dans cette proposition de loi. Cependant, c’était une première avancée. Les expériences ultérieures, présentées dans ce rapport, montrent que la gratuité de 50 litres d’eau par jour et par personne, soit 18,25 mètres cubes par an est atteignable aujourd’hui, en l’état actuel du droit et des modalités du financement d’un service d’eau potable. Ainsi, la commune de Limay dans les Yvelines a instauré sans problème de financement la gratuité de 40 % de la consommation d’eau potable d’un ménage, ce qui correspond environ par habitant à 20 mètres cubes.
Les coordinations Eau bien commun, avec lesquelles je coopère depuis une quinzaine d’années, sont à la pointe des mobilisations pour porter, entre autres revendications, la gratuité des mètres cubes vitaux d’eau ou la tarification différenciée sans rencontrer de problème avec le contrôle de légalité. Nombre de citoyen-nes désireux de garantir un accès à l’eau ou de mettre en place une tarification écologique sont devenus des élus locaux en situation notamment de mettre en œuvre cette gratuité ou ces tarifications différenciées selon les usages.
Certains ont participé à la création de France Eau publique, le réseau des gestionnaires publics de l’eau au sein de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), d’autres l’ont rejoint et continuent de le rejoindre.
Enfin, cette proposition de loi est aussi une nouvelle tentative, portée conjointement avec les associations humanitaires et de solidarité internationale organisées au sein de la Coalition Eau, de permettre concrètement l’accès à l’eau de toutes et tous et en particulier des personnes les plus pauvres et les plus précaires, qu’elles soient raccordées, abonnées ou non. Ainsi, l’accès gratuit à des points d’eau potable, des fontaines, des toilettes et des douches publiques est une revendication forte des associations, confortée par la récente directive européenne sur l’eau potable, et déjà mis en œuvre dans nombre de collectivités, comme Paris, des métropoles, mais aussi des communes de plus petite taille.
Cette proposition de loi vise donc en réalité à généraliser les bonnes pratiques concernant l’accès à l’eau potable qui existent déjà en France, notamment parce que la jurisprudence du Conseil d’État ouvre des possibilités peu connues à ce jour. Le législateur a par ce texte de loi l’occasion de consolider juridiquement les pratiques locales. C’est important de le souligner. Certes les propositions sont ambitieuses, mais l’ensemble des mesures proposées existe déjà en France, sans problème de financement. Le présent rapport envisage cependant des mécanismes de financement pour aider les collectivités à mettre en œuvre les mesures proposées car les règles de recevabilité financière des initiatives parlementaires ne me permettent pas d’inscrire les mécanismes de financement dans le corps même de la proposition de loi.
Nous laissons volontairement de côté un aspect important des débats portant sur l’accès à l’eau potable : le débat entre la gestion publique et la gestion déléguée au secteur privé et le débat sur la reconnaissance du droit à l’eau. Le mode de gestion n’est pas le sujet de cette proposition de loi. La Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), qui rassemble notamment Veolia, Suez, La Saur, la Sogedo, l’a bien compris lors de notre rencontre. Les entreprises délégataires ne sont en rien lésées par les dispositions de la proposition de loi. Un des objectifs de cette proposition de loi est donc de rencontrer le consensus le plus large sur les modalités d’accès à l’eau.
La proposition de loi se situe du point de vue du droit à l’eau, c’est-à-dire
d’un droit pour toutes et tous, sans condition de ressources. C’est un parti pris volontaire. C’est celui de l’Organisation des Nations unies qui, par une résolution votée par la France le 28 juillet 2010, place le droit à l’eau et à l’assainissement au niveau des droits humains fondamentaux. Nous refusons, avec les signataires de cette présente proposition de loi, la stigmatisation des plus pauvres et des personnes précaires qui doivent faire la preuve de leur pauvreté pour obtenir un chèque eau – avec le problème du non-recours massif à ce dispositif prévu par le principe de la tarification sociale. Nous refusons également de faire payer exclusivement par les classes moyennes la charge d’une aide sociale au bénéfice des plus démunis sans que ces catégories n’y aient accès en raison de seuil : les crises politiques et sociales récentes soulignent un mécontentement croissant des classes moyennes à ce principe, car elles sont exclues (ou se pensent exclues) de la plupart des mécanismes d’aide sociale, leurs revenus leur permettant donc de plus en plus difficilement « de joindre les deux bouts ».
J’assume le principe de la perfectibilité de cette proposition de loi à l’aune des auditions réalisées. Le fonctionnement des niches parlementaires, dans le cadre duquel cette proposition de loi est présentée, inverse le calendrier traditionnel de travail. Aussi, les nombreuses rencontres et auditions de collectivités et d’associations ont eu lieu après le dépôt de la proposition. Or les apports de ces acteurs pour préciser et améliorer la mise en œuvre des dispositions prévues dans la proposition de loi sont riches, utiles et cela d’autant plus que la grande majorité des acteurs auditionnés sont favorables à la proposition de loi et que très peu y sont opposés. Aussi, je dépose personnellement plusieurs amendements à la suite de leurs demandes et réflexions afin d’enrichir, compléter, améliorer la proposition de loi.
Enfin, je tiens personnellement à remercier les personnes auditionnées, que ce soit avant ma nomination en tant que rapporteur ou après cette nomination.