Pour éviter les monopoles, de plus en plus de communes s’orientent vers une gestion publique de l’eau. En soutien à cette initiative, de nombreux élus et acteurs du territoire lancent un appel pour gérer l’eau de manière durable. Tribune collective publié dans Les Echos du 9 juillet 2021.
Elle trouve enfin sa juste place dans les réflexions sur la transition écologique, grand défi du siècle. La finance mondiale « s’intéresse » enfin à elle, dans tous les mauvais sens du terme : en France les deux grands acteurs privés du secteur se déchirent puis s’entendent autour d’une vision boursière et financière du « marché de l’eau » ; en Australie ou aux Etats-Unis, triomphe une version spéculative et dérivative, pariant sur la raréfaction de cette ressource vitale.
A l’opposé du spectre, de grandes métropoles, comme Bordeaux et Lyon annoncent le retour en gestion publique de leurs services d’eau, portées par des ambitions démocratiques et écologiques renouvelées. Dans ce contexte, il est bon de proclamer que l’eau est un bien commun et que la gestion publique est la seule voie pour la gérer comme tel. Parce que gestion publique rime avec contrôle démocratique, responsabilité politique et intérêt général, il est utile de réclamer au nom de tous une maîtrise collective de l’eau, qui assure la protection des ressources.
L’eau comme bien commun
De nombreuses communes ont uni leurs forces pour créer de grands syndicats comme le Syndicat des eaux et de l’assainissement (SDEA), le SDDEA (Service de distribution des eaux et assainissement), le Réseau 31 ou Noréade. Des métropoles et agglomérations comme Grenoble, Paris, Nice, Montpellier, Rennes ou encore Grand Paris Sud ont suivi leur exemple et permis de franchir un nouveau cap. Dans ce sillage, de nombreux territoires, urbains ou ruraux, s’orientent vers la gestion publique. La perspective de voir un
mastodonte de l’eau en position de quasi-monopole accélère ce mouvement vers une maîtrise publique de l’eau encore plus nécessaire.
Mais gérer l’eau comme un bien vraiment commun, ce n’est pas seulement la doter d’une gouvernance publique. C’est aussi affirmer et mettre en œuvre, concrètement, jour après jour, un modèle de gestion vraiment durable. Ce modèle que nous défendons est fondé sur une proposition : faire de la transition écologique dans ses trois dimensions, environnementale, économique et sociale, un impératif de la gestion des services d’eau. Un changement de paradigme en soi.
Concrètement, cela signifie, comme le font Eau de Paris ou Eau du bassin rennais, engager les opérateurs d’eau dans des démarches de long terme de prévention des pollutions, plutôt que de renforcer systématiquement les traitements. Cela veut dire rechercher la maîtrise et la sobriété des choix, pour les rendre plus viables aussi bien économiquement que du point de vue environnemental.
Prévenir les pollutions
Cela signifie enfin encourager les services d’eau à être des acteurs majeurs des politiques de transition écologique, autour de leur mission première dans le strict respect de principes de financement auxquels nous sommes attachés. Là aussi, des opérateurs comme Eau de Paris en France ou bien d’autres en Europe montrent la voie d’une gestion vraiment durable de l’eau.
Ce modèle est également fondé sur des principes forts. Refus de voir la facture d’eau, encore et toujours, s’alourdir pour les plus démunis. Refus de laisser les services d’eau aggraver, pour des raisons de confort, leur impact sur l’environnement, avec des consommations énergétiques accrues ou des rejets supplémentaires dans le milieu naturel. Refus d’être spectateur d’une course à toujours plus de technologies au détriment d’une prévention à la source des pollutions.
La gestion publique, c’est aussi privilégier un renouvellement durable des réseaux, parfois restitués vieillissants par les acteurs privés à l’issue des concessions, pour réduire les pertes et ainsi protéger la ressource. Pour nous, l’eau est rare et doit être protégée, dans toutes ses dimensions.
Coopération entre les collectivités
Il est enfin fondé sur un engagement collectif. L’engagement que les collectivités qui feront le choix d’une gestion publique et durable de leurs services d’eau ne seront plus isolées. La solidarité entre régies et territoires est dans l’ADN de la gestion publique. Nous répondrons donc présents à toutes les demandes des collectivités qui se lancent dans la gestion publique.
Nous sommes convaincus que le paysage français de l’eau a besoin, pour répondre à ses grands défis, de coopérations agiles entre collectivités et opérateurs publics de taille critique. Il n’a besoin ni de gigantisme, ni d’hégémonisme, mais de partenariats et d’une communauté active de valeurs, incarnée notamment par le réseau France Eau Publique.
Développement durable dans toutes ses dimensions, refus du technicisme comme du laisser-faire, coopération et communauté de valeurs : voilà les conditions d’une gestion vraiment durable de l’eau ! Voilà la voie que nous proposons à toutes les collectivités qui veulent que l’eau soit concrètement gérée comme un bien commun.
Signataires :
Dan Lert, Adjoint à la Maire de Paris en charge de la transition écologique, du plan climat, de l’eau et de l’énergie, Président d’Eau de Paris
Michel Bisson, Président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud
Philippe Rio, Vice-Président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud en charge de l’eau
Bruno Bernard, Président de la Métropole de Lyon
Anne Grosperrin, Vice-Présidente de la Métropole de Lyon en charge de l’eau
Grégory Doucet, Maire de Lyon
Pierre Hurmic, Maire de Bordeaux
Sylvie Cassou-Schotte, Vice-Présidente de la Métropole de
Bordeaux en charge de l’eau
Michel Demolder, Président de la Collectivité Eau du Bassin Rennais
Pascal Hervé, Vice-Président de Rennes Métropole en charge de l’eau
Anne Vignot, Maire de Besançon et Présidente de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole
Christophe Lime, Vice-Président de la communauté urbaine du Grand Besançon Métropole en charge de l’eau
Anthony Poulin, Adjoint à la Maire de Besançon en charge de la mise en œuvre des objectifs de développement durable Léonore Moncond’huy, Maire de Poitiers
Florence Jardin, Présidente de la communauté d’agglomération du Grand Poitiers
Laurent Lucaud, Vice-Président de la communauté d’agglomération du Grand Poitiers en charge de l’eau
Michel Leprêtre, Président de l’EPT Grand Orly Seine Bièvre
Fatah Aggoune, 1er Conseiller délégué de l’EPT Grand Orly Seine Bièvre en charge de l’eau
Jean-Claude Oliva, Vice-Président de l’EPT Est Ensemble en charge de l’eau
Sébastien Vincini, Président du Réseau 31
Paul Raoult, Président du SIDEN-SIAN – Noréade
Danielle Mametz, 1ère Vice-Présidente du SIDEN-SIAN – Noréade
« Pour des situations de confort », le confort ici c’est le pognon ?
Si ce qui est rare est cher, la logique veut que les opérateurs privés et leurs soutiens financiers aggravent le péril du stress hydrique,ce qui est le cas avec « le laisser fuiter » des réseaux gérés par le délégataire du Sédif.
On voit bien que « mon ennemi c’est la finance », et pas que!
En tirer les conclusions : gestion publique planifiée contre gestion capitaliste des biens communs ,de la vie, est-ce dans la logique des signataires de cette tribune?