La mise en place de l’osmose inverse basse pression (OIBP) à Pussay, une petite commune de l’Essonne, par Veolia, à un coût prohibitif, relance les interrogations sur le coût réel pour les usagers du projet du SEDIF. Voir ci-dessous notre analyse, un article du Parisien et les commentaires de Pascal Grandjeat de l’association eau publique Orge Essonne.
A Pussay, le coût du projet est de 675 000€. Les deux tiers sont pris en charge par des subventions de la communauté de communes de l’Étampois Sud-Essonne (Caese) et du département de l’Essonne. C’est possible car la commune de Pussay compte 2100 habitants, en dessous de la barre des 3000 habitants à partir de laquelle ce genre de subvention est impossible car « l’eau paie l’eau » et tout doit être financé par la facture des usagers. Au SEDIF, tout devra donc être financé par la facture des usagers.
A Pussay, la prise en charge d’un tiers seulement du coût du projet par les usagers conduit à une augmentation énorme d’un euro par m3, soit +50%! Le tarif de la part eau qui était déjà élevé à 2€/m3 (à comparer au 1,47 €/m3 au SEDIF ou à 1,12 €/m3 à Eau de Paris) passe à 3 €/m3, le double du tarif actuel du SEDIF!
Pour faire passer la pilule de l’OIBP, le SEDIF annonce une hausse mensuelle de 3 à 4€. Dans la vraie vie, les habitants de Pussay subissent eux, une hausse de mensuelle de 10€, pour une opération largement subventionnée. De quoi relancer les interrogations sur le coût réel du passage à l’OIBP…
A noter enfin qu’à Pussay, comme au SEDIF, c’est Veolia qui est à la manœuvre pour le passage à l’OIBP et qui en tire tous les bénéfices.
Eau potable « ultrapure » : en Essonne, le village de Pussay opte pour cette technique controversée
La commune, qui a inauguré une nouvelle station de traitement ce jeudi 25 mai, est la première d’Île-de-France à utiliser le procédé OIBP (Osmose inverse basse pression), critiqué pour sa forte consommation d’électricité et son rejet de polluants. Par Florian Garcia, avec Bartolomé Simon et C.Ch
« Pussay pionnier, Pussay controversé », lâche d’entrée de jeu le maire en début de discours. Après avoir accueilli les premières éoliennes d’Île-de-France en septembre 2009, Grégory Courtas (SE) a inauguré, ce jeudi 25 mai, la première station de traitement d’eau potable de la région utilisant le procédé OIBP, « osmose inverse basse pression ».
Décriée par les défenseurs de l’environnement en raison de sa consommation électrique et des pertes d’eau qu’elle génère, cette technique consiste à puiser l’eau dans le sous-sol et à la filtrer à l’aide de membranes ultrafines, comme pour dessaler l’eau de mer. Trop pure après ce traitement, l’eau doit recevoir des minéraux avant d’être envoyée dans le réseau.
Malgré les critiques, c’est l’option qui a été retenue par cette commune de 2 100 habitants. « Au fil des années, une détérioration de la qualité de notre eau, avec des dépassements ponctuels des seuils de nitrates et de pesticides, a été observée, détaille le maire. Nous nous devions donc d’intervenir avec l’agence régionale de santé (ARS) et Veolia. »
« À l’heure de la sobriété énergétique, c’est invraisemblable »
La mairie a donc opté pour la modernisation de sa station. « Nous avions deux solutions, reprend Grégory Courtas. Soit nous tirions des tuyaux jusqu’à Angerville qui se trouve à plus de 5 km, avec un impact carbone conséquent, soit nous investissions dans un nouveau système. L’OIBP est la seule solution en capacité de nous assurer une qualité maîtrisée dans le temps. Avec cette usine, on n’aura zéro problème dans les années à venir. »
Ailleurs en Île-de-France, les projets liés à l’OIBP ont tous été tués dans l’œuf. Notamment en raison de ses pertes d’eau plus importantes qu’avec une station classique. « En général, on perd environ 4 % d’eau, explique le maire essonnien. Avec l’OIBP, c’est 7 %. Mais l’eau en sortie est de bien meilleure qualité. »
« Selon les parties prenantes d’un projet avorté en Seine-et-Marne, on était plutôt sur une perte d’eau captée entre 15 et 20 %, nuance Pascal Grandjeat, dont l’association Eau publique Orge-Essonne a travaillé sur le sujet. C’est un procédé qui consomme plus d’eau mais aussi plus d’électricité, nécessaire pour projeter l’eau. À l’heure de la sobriété énergétique et de l’économie de la ressource, c’est invraisemblable. »
Le maire de Pussay assume. « On nous oppose que ce système est énergivore, poursuit l’élu. Mais le coût de l’énergie à la sortie, pour les ménages, nous permet d’obtenir un bilan carbone positif : le système consomme plus d’énergie pour rendre l’eau potable mais il produit une eau plus douce qui entartre moins les équipements ménagers. »
Un tarif revu à la hausse pour les consommateurs
Si Pussay a pu mener son projet sans encombre, ce n’est donc pas le cas de Savigny-le-Temple. En janvier 2022, le préfet de Seine-et-Marne a mis un coup d’arrêt au dossier porté par le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) en n’accordant pas d’autorisation environnementale. « Je n’ai eu aucun refus, ni aucun recours, assure de son côté Grégory Courtas. Aujourd’hui, on n’a pas mieux que cette technique. Sans elle, avec la présence de nitrates et de pesticides, on aurait été obligés d’interdire la consommation de l’eau. »
Hormis la consommation d’énergie, on reproche aussi à l’OIBP de produire des « concentrats ». « Ce sont des microdéchets polluants qui vont être rejetés dans des rivières ou des stations d’épuration, à l’encontre de la protection du milieu naturel », déplore Pascal Grandjeat. Ce point avait été décisif dans le blocage du projet en Seine-et-Marne.
Au total, la nouvelle station à Pussay, qui pourra offrir un débit de 15m³/h, représente un investissement de 675 000 euros. Sur la facture, Veolia a pris en charge un peu plus de 236 000 euros et le conseil départemental près de 110 000 euros. La communauté de communes de l’Étampois Sud-Essonne (Caese) s’est acquittée du reste, soit près de 329 000 euros. Un coup de pouce monstre pour le petit village de Pussay. « Ces technologies sont sophistiquées et très coûteuses », relève Pascal Grandjeat.
Pour faire face à cet investissement, le tarif a légèrement augmenté : « Si l’on prend pour référence un foyer moyen composé de deux adultes et deux enfants avec une consommation de 120 m3 par an, cela représente une hausse de 120 euros par an, explique le maire. Pour 10 euros de plus par mois, les habitants ont désormais une eau de bien meilleure qualité. » Cette nouvelle tarification est appliquée depuis deux ans, date à laquelle le nouveau contrat a été signé.
Les commentaires de Pascal Grandjeat, de l’association eau publique Orge Essonne
A la lecture de l’article du Parisien, voici 2 affirmations et 3 omissions qui ont de quoi donner froid dans le dos aux habitants de Pussay et alentours dans le plan de com de Veolia, repris par le Maire.
2 Affirmations
1 * La « découverte » par le Maire que la qualité de l’eau captée pour Pussay et Monerville se serait récemment dégradée.
A Pussay, il s’agit d’un captage souterrain proche du centre du Village, sauf erreur dans la nappe de Beauce, dans un secteur géologique d’infiltration majoritaire des eaux de surface : cela signifie donc que la pollution est consécutive aux intrants phytosanitaires utilisés abondamment par les agro-businessmen de la commune en bordure immédiate du bourg.
Ce qui met en lumière un modèle agricole écocidaire ; une hypothèse corroborée par une utilisation sur-intensive de la ressource en eau : sur le territoire de Pussay, 400 000m3 sont prélevés pour le service d’eau potable des 3 communes desservies, et 2 000 000 de m3 pour les besoins d’irrigations de cultivateurs locaux.
Sachant que les micropolluants issus des épandages nocifs de l’agrobusiness terminent de façon minoritaire dans les eaux souterraines et de surface et se diffusent majoritairement par l’air, les aliments, ça signifie que les habitants se sont vu imposés une surfacturation de l’eau potable, pour continuer à être empoisonnés du fait de leur voisinage avec des épandages nocifs;
Gregory Courtas inflige à ses administrés la règle du pollué payeur, sans un mot pour désigner ni condamner les auteurs des pollutions qu’il déplore; ça n’est plus le principe de précaution, c’est celui du risque maximal pour la santé des habitants et salariés agricoles
2 * l’affirmation que le Département de l’Essonne a financé à hauteur de 110 000€ ce projet catastrophique. Un choix qui, s’il était confirmé, serait en contradiction avec la critique argumentée formulée par le même Département à l’encontre du projet d’OIBP du SEDIF à Savigny-le-Temple. (1)
Veolia qui est à la manœuvre pour un déploiement de l’OIBP à l’échelle de toute l’Île de France doit se frotter les mains face à de telles contradictions: cela lui permet de dénigrer les critiques de l’OIBP comme étant le reflet de querelles entre notables et territoires, sans incidence pour la santé et l’environnement.
3 omissions
1 * Le Maire ne dit pas un mot sur l’augmentation du prélèvement dans la nappe, déjà en tension, induite obligatoirement par l’OIBP (pour une production d’eau inchangée en volume): le préfet a-t-il donné son accord pour cette prédation ? Où et quand? Après quelle consultation des habitants et de la Commission locale de l’eau de la nappe de Beauce?
2 * Le maire ne dit pas un mot non plus l’endroit où Veolia va déverser les concentrats polluants consécutifs au traitement de l’eau par OIBP: dans la station d’épuration du village? En douce dans les déchetteries du SIREDOM dont dépend Pussay? Après quelle étude de l’impact pour le milieu naturel de « l’évacuation » de ces déchets?.
3 * Le site Eaufrance, légalement obligatoirement, renseigné annuellement par les données des opérateurs des services d’eau potable, est a contrario quasiment vierge de toute information concernant Pussay, ce qui permet d’affirmer tout et son contraire, de susciter la peur chez les usagers pour le plus grand profit des actionnaires de Veolia, trop heureux de disposer de relais locaux aussi complaisants.