Les usagers domestiques vont payer cher la mise en place de l’osmose inverse basse pression (OIBP). Alors que le projet n’existe que sur le papier et qu’il ne verra peut-être jamais le jour, ses conséquences économiques se manifestent déjà. Lors de son dernier comité syndical, le 13 octobre, le SEDIF a voté une forte hausse des tarifs pour le 1er janvier 2023 : 21,5% pour la part qui lui revient dans la facture d’eau, 5,5% pour Veolia, soit au total +10,5 % pour la part eau de la facture qui passe ainsi de 1,33€/m3 à 1,47€/m3, pour une consommation annuelle de 120m3*. Voici un drôle de « service public » qui enfonce les usagers au lieu de les protéger en temps de crise.
L’inflation a bon dos! Elle est estimée à 5,8% pour l’année 2022. Le SEDIF lui augmente son prix de 21,5%, soit près de quatre fois l’inflation. La part SEDIF passe donc de 0,42€/m3 à 0,51€/m3. Deux éléments expliquent un tel choix au détriment des usagers domestiques.
Le SEDIF se réduit à présent à 83% du périmètre historique du syndicat avec les départs d’Est Ensemble et de la moitié des villes du Grand Orly Seine Bièvre, membres du SEDIF. Les recettes des ventes d’eau aux abonnés sont sérieusement affectées. Logiquement cela devrait conduire le SEDIF à réduire la voilure, c’est à dire ses frais de structure. Mais cela impacterait Veolia. Ce qui est exclu. Ce sont donc les abonnés qui vont payer. Le SEDIF a quand même annulé sa réception de fin d’année : certes il s’agit de dépenses somptuaires, mais cela ne suffira sans doute pas …
Le second élément, c’est l’impact prévisible des amortissements des prêts liés aux investissements colossaux pour l’osmose inverse basse pression (OIBP). Selon les prévisions du SEDIF (voir tableau ci-dessous), l’encours de la dette va augmenter de 15% entre 2021 et 2022 et de 300% entre 2023 et 2026: c’est ce qu’au SEDIF, on appelle une progression mesurée et maîtrisée! A cause de l’OIBP, l’encours de la dette augmente de 54% en 2025 et de 58% en 2026, précise le SEDIF.
Et Veolia?
A côté de celle du SEDIF, la hausse de 5,5% de la part de Véolia EAU Île-de-France (VEDIF) peut sembler modérée -de 0,91€/m3 à 0,96€/m3. Elle n’est pas justifiée pour autant d’un point de vue économique. En effet, les résultats de VEDIF se sont envolés en 2021. Les bénéfices ont atteint 21,33 millions d’euros, un record depuis le début du contrat avec le SEDIF. Une progression de 11,41% d’une année sur l’autre!
L’augmentation de 5,5% des tarifs de la part délégataire (VEDIF) correspond à la mise en œuvre des formules d’indexation figurant au contrat. Il serait temps de proposer des formules qui n’auraient pas un effet de boucle alimentant l’inflation: une idée pour le prochain contrat du SEDIF? En avril dernier, Antoine Frérot, Président de Veolia, lors de son rapport sur l’activité du groupe au premier trimestre, s’était vanté que, sur l’ensemble de son chiffre d’affaires mondial, 70% était « à l’abri » de la spirale inflationniste grâce à ces dispositifs contractuels. On voit qu’il n’en n’est rien.
L’interminable contrat SEDIF/VEDIF
Le contrat actuel entre le SEDIF et VEDIF devait se terminer le 31 décembre 2022. Un avenant l’a prolongé jusqu’au 31 décembre 2023 car l’épidémie de Covid 19 a fait prendre du retard dans le processus de renouvellement du contrat. Le comité syndical du 13 octobre a souhaité le prolonger à nouveau d’un an du fait du débat public sur l’osmose inverse basse pression. Cela pose doublement question. D’une part, ce contrat connaît depuis des années une dérive structurelle au bénéfice du délégataire, qui va en s’accentuant : sa prolongation n’est évidemment pas dans l’intérêt des usagers. D’autre part, ce genre de prolongation paraît acrobatique d’un point de vue juridique: il ne s’agit pas d’une modification rendue nécessaire par des circonstances imprévues (comme pouvait l’être l’épidémie de Covid 19, par exemple). Le SEDIF prévoit depuis des années (2016 au moins) la mise en place de l’OIBP. Vu les montants financiers en jeu dans le projet, la saisine de la CNDP était obligatoire, pas d’imprévu non plus de ce côté-là.
Voir le comité syndical du SEDIF du 13 octobre 2022
*120 m3/an : une mal-mesure
Il faut noter que la référence réglementaire à une consommation annuelle de 120 m3, sensée correspondre à un ménage de 2,4 personnes, est assez éloignée de la réalité. On estime aujourd’hui de façon plus réaliste qu’un ménage comprenant deux adultes et deux enfants consomme plutôt 70 à 80 m3/ an. D’où une distorsion: « moins le volume d’eau consommé est important, plus la partie fixe (ou abonnement) pèse sur la facture totale.