La nouvelle est presque passée inaperçue au cœur de l’été: fin juillet, un article de Marianne révélait que le Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF), organisateur de l’appel d’offres pour le renouvellement de son contrat de délégation de service public, avait « indûment » transmis des données confidentielles sur la réponse de Suez à son concurrent Veolia. Une menace existentielle pour la procédure en cours et dévastatrice pour le SEDIF lui-même. Selon de nouvelles révélations de Blast, quelque 500 documents remis par Suez au SEDIF ont été… communiqués à Veolia (article en lien ci-dessous).
Vanessa Ratignier et Emmanuel Lévy expliquent dans Marianne : « cette petite bombe pourrait bien pulvériser la procédure d’attribution du plus important contrat de délégation de service public d’eau de ville en France, voire d’Europe. Montant en jeu : 4,3 milliards d’euros de chiffres d’affaires sur douze ans. L’appel d’offres lancé pour la période 2025 à 2037 devrait en principe se dénouer début 2024. Sauf que son aimable organisateur, le SEDIF, le Syndicat des eaux d’Île-de-France, a fait une grosse bêtise. Selon nos informations, il a transmis des données confidentielles à, au moins, l’un des deux candidats en lice. Une bourde qui placerait l’un des impétrants en situation de potentiel favoritisme. Et cela ne concerne pas de petites entreprises mais les deux mastodontes tricolores de l’eau. Dans un coin du ring : Veolia, qui depuis sa création en 1923 sous le nom de Compagnie Générale des Eaux, remporte sans discontinuer ce plantureux marché. Face à Veolia ? Suez, évidemment. »
Le SEDIF essaie bien sûr de passer sous les radars, il ne s’agirait que de quelques feuillets égarés à l’en croire. Selon une journaliste qui enquête sur le sujet, les éléments essentiels de la réponse de Suez auraient pourtant été communiqués à Veolia.
Le précédent de l’usine d’incinération de Nice
Plusieurs options s’offrent au préfet. La première c’est d’annuler l’appel d’offre et de demander au SEDIF de recommencer à zéro. Il y a un précédent, c’est l’appel d’offre de la métropole Nice Côte d’Azur pour l’exploitation de l’usine d’incinération de l’Ariane à Nice où sont apparus en septembre 2021, des soupçons de favoritisme au bénéfice de …Veolia! Après diverses péripéties, l’appel d’offres a été annulé et la métropole a obtenu 18 mois pour relancer son marché.
Le temps est compté
La difficulté du SEDIF, c’est que le contrat avec Veolia qui devait s’achever le 31 décembre 2022 a été prolongé une première fois d’un an à cause du Covid. Puis Une seconde fois à cause du débat public sur son projet de généralisation de l’OIBP, que le SEDIF croyait pouvoir éviter. Ces prolongations ne sont pas indifférentes car le contrat dérive de plus en plus à l’avantage de Veolia… Une nouvelle prolongation, la troisième, serait sans doute une première en France. La procédure s’étalerait immanquablement sur plus d’un an. Plus de trois ans de prolongation pour un contrat de douze ans, cela commence à faire sérieusement désordre!
En outre, annuler le marché et recommencer à zéro n’annulerait pas l’avantage « indument » acquis par Veolia qui connaît à présent l’essentiel de l’offre de son concurrent. Eliminer Veolia et déclarer Suez vainqueur? C’est inimaginable tant Veolia est le champion du gouvernement français. On peut aussi douter que le nouveau Suez, passé sous les fourches caudines de Veolia, ait la détermination suffisante pour s’emparer d’un marché auquel il n’a répondu que pour sauver les apparences de la concurrence.
Une solution pour le SEDIF?
Il reste une solution raisonnable que nous recommandons vivement au SEDIF. C’est de lancer un nouveau marché sur un périmètre réduit, c’est à dire sans le projet d’osmose inverse qui est à l’origine de beaucoup des déboires du syndicat. Il s’agirait de renouveler le contrat sur son périmètre actuel, ce qui éliminerait de nombreuses inconnues. Cela laisserait le temps de la réflexion pour le projet d’osmose inverse qui, de toute façon, n’aurait pas été en service avant les années 2030. Cela n’empêcherait pas de lancer un marché de travaux pour améliorer le traitement de l’eau dans les prochaines années avec, pourquoi pas, une autre technologie que l’osmose inverse… Inutile de nous remercier, nous ne faisons pas cette suggestion pour sauver le soldat Santini, décidément bien mal embarqué et sans doute bientôt débarqué, mais dans l’intérêt bien compris des usagers du SEDIF!
Sedif/Veolia/Suez, à qui gagne perd
Le syndicat intercommunal de l’eau d’Île-de-France fête cette année son centenaire. Il est allié depuis toujours à Veolia, à qui il délègue la production et la distribution de l’eau aux usagers. Ce mariage pourrait prendre brutalement fin à cause d’une fuite de documents dévoilée durant l’été par l’hebdomadaire Marianne. Blast apporte de nouveaux éléments : selon nos informations, quelque 500 documents remis par Suez au Sedif ont été… communiqués à Veolia. Révélations.
100 ans ! Créé en 1923, le Syndicat des eaux d’Île-de-France (le Sedif), qui regroupe 133 communes, aurait pu fêter en grande pompe son premier centenaire. Mais au royaume d’André Santini, l’inamovible édile centriste d’Issy-les-Moulineaux – son premier mandat de maire remonte à 1980, à l’époque dans l’ombre des Pasqua, Ceccaldi et autres parrains politiques corses des Hauts-de-Seine – qui préside aux destinées du syndicat intercommunal depuis… 1983, les anniversaires, aussi prestigieux soient-ils, ne se fêtent pas. Ou alors en tout petit comité.