Des fuites de données ont entaché l’appel d’offres pour la gestion de l’eau en Île-de-France. BFM Business s’est procuré l’expertise qui a servi à stopper la procédure et à débouter Suez en justice. Par Matthieu Pechberty.
Une quinzaine de pages arbitrent l’un des plus grands bras de fer entre Veolia et Suez. Un rapport d’expert a permis de valider l’appel d’offres du plus gros contrat d’Europe, celui du Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) qui offre 4,3 milliards d’euros pour alimenter en eau potable près de cinq millions de Franciliens. Ce même rapport a aussi permis à la justice de retoquer Suez qui demandait la poursuite de la procédure. En octobre, elle avait été écourtée après deux fuites de documents confidentiels de Suez au profit de son rival Veolia.
BFM Business s’est procuré cette « note de synthèse », datée du 13 mai et écrite par Gaël Canal, expert auprès de la Cour d’appel de Versailles. Un mois plus tôt, les 4 et 5 avril, un jeune salarié de Naldeo, qui gère l’appel d’offres, a transmis par erreur plusieurs fichiers confidentiels de Suez à Veolia, actuel gestionnaire du contrat en Île-de-France. Le Sedif a ensuite lancé cette expertise pour déterminer les faits et les responsabilités.
La note étonne d’abord sur la méthode. « On n’a été associé en rien », s’emporte une source proche de Suez qui juge le rapport « partiel » pour ne pas dire partial. Contactés, Gaël Canal et Suez n’ont pas souhaité nous répondre. Mais dans les couloirs de l’entreprise, on ne digère pas ce rapport brandi par le Sedif pour justifier de continuer l’appel d’offres et sur lequel le Tribunal administratif s’est appuyé pour débouter Suez.
D’autant que l’expertise a été « réalisée à la demande du Sedif » comme écrit sur la première page. « Elle n’est en tout cas pas indépendante! », s’offusque un proche de Suez.
Or, plusieurs protagonistes du dossier assurent que le Syndicat, présidé par le maire d’Issy-les-Moulineaux André Santini, voulait à tout prix continuer l’appel d’offres, qui a déjà pris deux ans de retard. « Le Sedif ne pouvait pas incriminer son gestionnaire Naldeo sinon il aurait été obligé d’annuler la procédure », explique une source proche du dossier. Dans un courrier daté de fin septembre, André Santini soulignait « une erreur indépendante de son maître d’œuvre ». Il fallait donc trouver une explication ailleurs.