Agriculteurs et opérateurs publics s’engagent dans la protection des ressources en eau et la transition vers un modèle agricole durable ! Voici des bons exemples dans toute la France.
L’annonce par le Premier Ministre de l’arrêt du plan Ecophyto ou de « la mise en pause » pour reprendre la terminologie gouvernementale compromet la sécurité sanitaire et environnementale. L’inaction du gouvernement face à la dégradation de la qualité des ressources en eau altère déjà la capacité des collectivités, en zone rurale comme dans les grandes métropoles, à produire et distribuer de l’eau de qualité et en quantité suffisante à un prix abordable pour tous.
Alors que les agriculteurs demandent à vivre du revenu de leur travail, le Gouvernement les maintient dans un modèle qui ne fait qu’accentuer leur précarité et dégrader la qualité des ressources en eau, mais aussi des sols, leur principal outil de travail. Si d’aucuns s’en félicitent, les collectivités locales, les associations de défense de l’environnement, les citoyens et une partie du monde agricole se désolent de ce nouveau renoncement du Gouvernement.
En l’espace de deux mois, le Gouvernement a renoncé à l’augmentation pourtant minime au regard des déséquilibres actuels des redevances prélèvement agricole et pollutions diffuses par les produits phytosanitaires, a sursis à la création d’une redevance biodiversité et à l’élargissement de la redevance pollution diffuse aux micropolluants mis sur le marché et la définition des points de prélèvement sensibles est toujours bloquée. Moins d’un an après son annonce, ce sont des éléments clés du plan eau qui sont ainsi remis en cause. S’ajoute à ce triste bilan, la défiance des consommateurs sur la qualité de l’eau qu’instille les tentatives répétées de déstabilisation de l’ANSES…
Ces décisions portent également atteinte aux principes même de co-construction de la politique de l’eau à l’échelle nationale au sein du Comité national de l’eau et locale dans les comités de bassin et à la crédibilité de ces instances. Des heures d’études, de discussions et d’échanges entre toutes les parties prenantes, dont la profession agricole, dans le cadre de ces instances pour l’élaboration du Plan Eau, ou plus récemment du plan Ecophyto, ont été balayées alors même qu’elles n’étaient pas l’objet des revendications du monde agricole. Par exemple, courant janvier, le CNE demandait « que les périmètres rapprochés de tous les captages fassent l’objet d’une sanctuarisation et qu’une trajectoire de réduction vers la sortie des pesticides de synthèse, accompagnée des moyens nécessaires y compris pour l’animation, soit définie sur les aires d’alimentation de captage, afin d’anticiper la présence et détection de nouveaux métabolites de pesticides », sans être entendu par le gouvernement.
Comme l’a exprimé la FNCCR via un communiqué de presse, le mal être exprimé par le monde agricole ne peut rester sans réponse, mais celle-ci ne peut se faire au détriment de l’environnement et des ressources en eau. Au contraire, de nombreuses expériences prouvent qu’il est possible de soutenir le revenu des agriculteurs tout en préservant les ressources en eau et la santé des consommateurs (et celle des agriculteurs). Des collectivités locales sont déjà engagées dans ces démarches avec les agriculteurs de leur territoire mais il est indispensable que l’Etat soutienne cette nécessaire transition agricole, et notamment l’agriculture biologique. En particulier, les financements alloués dans le cadre de la PAC doivent être massivement fléchés vers une transition des pratiques agricoles pour concilier santé publique, qualité de l’eau, rémunération juste des agriculteurs, circuit court et alimentation de qualité, dont l’eau constitue le premier élément.
Les membres de France Eau Publique prennent la parole pour démontrer qu’une autre politique est possible ! En adoptant une démarche de dialogue, de recherche de points de convergence, il est possible de concilier qualité de la ressource en eau, rémunération des agriculteurs et meilleure qualité de vie. Cela nécessité courage, sens des responsabilités et moyens. Les membres de France Eau Publique attendent que l’Etat facilite ces démarches, en leur accordant de façon pérenne :
- les financements nécessaires,
- un cadre d’intervention clair pour la transition agricole,
- des procédures simplifiées et juridiquement fiables pour accompagner financièrement cette transition agricole (augmentation du plafond des minimas, notifications d’aides d’état facilitées, régime d’exemption pour l’aide au maintien de l’agriculture biologique),
- une mise en cohérence de la PAC avec les politiques publiques d’aménagement, de gestion de l’eau et de santé publique.
Voici quelques bons exemples qui prouvent que la gestion publique est un formidable outil de développement territorial.
Eau du Bassin Rennais développe Terres de Sources
L’objectif : Soutenir la transition agroécologique en garantissant des débouchés locaux et rémunérateurs pour les agriculteurs-trices qui s’engagent à faire évoluer leurs pratiques pour protéger l’eau.
- Une innovation juridique en matière de commande publique permet aux cantines de notre territoire d’acheter leurs denrées aux agriculteurs-trices Terres de Sources qui sont situées sur nos aires d’alimentation de captage.
- Un label permet de donner de la visibilité aux produits Terres de Sources présentés dans les rayons des magasins d’alimentation ou dans les commerces de bouche (boulangerie, boucherie).
- Une Société coopérative d’intérêt collectif, la SCICI Terres de Sources achète et revend les produits Terres de Sources, apporte des services de logistique et de management de la qualité pour donner confiances aux acheteurs.
- Un travail d’éducation à l’alimentation durable permet d’expliquer la démarche aux citoyens pour in fine obtenir le consentement à payer le juste prix des produits Terres de Sources.
- Une gouvernance collégiale qui crée un espace de dialogue entre agriculteurs, transformateurs, citoyens, associations et élus.
Quelques indicateurs janvier 2024 : 120 exploitations, 61 communes acheteuses, 10 filières Terres de Sources.
Syndicat des Eaux de l’Aube et sa Régie
Dans le Département de l’Aube, le SDDEA (Syndicat des Eaux de l’Aube), collectivité maitre d’ouvrage sur une majorité des captages en exploitation, travaille en coopération avec le monde agricole. Le SDDEA a signé une convention de partenariat avec la Chambre d’Agriculture de l’Aube qui assure l’animation directe auprès des agriculteurs, recensant leurs projets et identifiant les moyens pour les accompagner vers un modèle agricole compétitif et soutenable pour les ressources en eau.
Sur ce territoire, plusieurs dynamiques se construisent de manière positives. Ici, la collectivité co-finance un outil de pilotage de précision de la fertilisation en prenant en charge le diagnostic initial des parcelles et des exploitations, les agriculteurs finançant ensuite leur abonnement annuel pour l’utilisation de l’outil. Là, la remise en herbe de zones d’infiltrations très vulnérables par le biais des mesures agroenvironnementales et climatiques : c’est la durabilité de cette implantation à l’issue de l’arrêt de la MAEC qui est aujourd’hui à travailler. Là encore, le rendez-vous de trois filières à bas niveaux d’intrants auprès du SDDEA et de la Chambre d’Agriculture, prêtes à se coordonner pour trouver de nouvelles surfaces ciblées sur les aires d’alimentation de captage en accompagnant au plus près les exploitants prêts à franchir le pas. Ce dernier projet se heurte aujourd’hui aux difficultés d’apporter un financement public direct aux filières pour le conseil technique.
Protéger la ressource en eau, c’est en réalité la construction d’un réel « pacte territorial » entre une collectivité et des acteurs locaux, en particulier des acteurs économiques. La solution se trouve à la croisée des enjeux et contraintes de chacun, qui seraient plus efficacement mise en place en apportant de la souplesse dans les mécanismes d’aide financière et en permettant un lien plus direct entre la collectivité et les agriculteurs. Le sujet des minimis agricoles et leur délicate mobilisation en est un exemple.
Grand Besançon Métropole
Depuis 2002 la Ville de Besançon puis Grand Besançon Métropole travaille avec environ 60 agriculteurs sur les 70 agriculteurs de l’aire d’alimentation de captage de la source d’Arcier afin de diminuer la consommation de produits phytosanitaires.
Sur ces 60 agriculteurs, la moitié est en zérophyto, une vingtaine est engagée dans une MAEC et 7 sont engagés dans les PSE.
Grand Besançon Métropole pilote, en partenariat avec la chambre d’agriculture et la chambre régionale des CUMA, ces mesures environnementales mais aussi d’autres actions telles que :
- Le suivi annuel des pratiques phytosanitaires et de l’occupation du sol ;
- Le diagnostic et maîtrise des risques liés aux produits phytosanitaires au siège et/ou apport de Conseils Stratégiques Phytosanitaires ;
- Le développement des pratiques et des itinéraires techniques pouvant avoir un impact positif sur la qualité de l’eau.
Ces différentes actions montrent leur efficacité via les analyses effectuées sur les eaux brutes de la source d’Arcier. Par exemple, les concentrations en glyphosate et en AMPA diminuent surtout depuis 2016.
Un bilan réalisé en 2015 après les 10 premières a été réalisé en concertation avec l’ensemble des acteurs du territoire (communes, agriculteurs, industriels, gestionnaires d’axe de circulation, aérodrome, particuliers) et a permis de repartir sur de nouveaux plans d’actions adaptés à chacun des volets pouvant impacter la qualité de la ressource.
Chacun des acteurs est associé annuellement à la présentation des bilans des actions et bilan qualitatif de la ressource ainsi qu’à la présentation du programme d’actions de l’année à venir.
Eau de Paris
Ce qui se passe à la surface a un impact direct sur la qualité des eaux souterraines. L’agriculture étant l’activité principale sur les aires d’alimentation de captages, Eau de Paris travaille avec les exploitants agricoles. Il s’agit notamment de limiter l’usage des intrants (engrais et pesticides), de faciliter le développement de l’agriculture biologique et d’augmenter les surfaces de prairies, filtres naturels et refuges pour la biodiversité. Eau de Paris met en place :
- des aides financières pour faciliter la transition des systèmes agricoles, à travers un régime d’aide dans lequel les volontaires s’engagent à réduire ou supprimer l’usage des pesticides, à maintenir ou augmenter les surfaces de prairie, à limiter la pollution de l’eau liée aux engrais et à diversifier les cultures
- 100 agriculteurs et agricultrices engagé·es dans le dispositif d’aides agricoles sur 16 000 hectares en 2023.
- des animations agricoles sur les aires d’alimentation de captage.
- un suivi renforcé des effets des actions mises en œuvre et le partage de la connaissance,
- des incitations et un appui à la plantation d’arbres sur ses aires de captage, qui favorisent la séquestration du carbone.
Eau de Paris réalise également des acquisitions foncières. Celles-ci permettent le maintien d’une activité agricole sur des parcelles prioritaires bien ciblées. Elle expérimente également, avec les exploitants volontaires, des contrats d’obligations réelles environnementales. Elle accompagne la création de filières agricoles durables, connectant ainsi agriculteurs des territoires avec les Parisiens et les Parisiennes et contribuant à l’alimentation durable de la Ville.
Syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace-Moselle – SDEA
La mise en œuvre d’un marché innovant dans le cadre de l’approvisionnement en silphie d’un méthaniseur de boues de station d’épuration innovante.
Avec le soutien de l’Agence de l’Eau Rhin Meuse et de l’ADEME, le SDEA vient d’achever la réalisation d’une nouvelle station à BENFELD-HERBSHEIM totalement innovante au niveau national conjuguant épuration de haut niveau, protection de la ressource en eau, production de biogaz consommé localement et biodiversité, avec une approche particulièrement intégrée d’économie circulaire du cycle de l’eau et de transition écologique et agricole.
A ce titre, le co-substrat choisi après plusieurs mois de recherche et d’expérimentation est la silphie spécifiquement implantée à proximité des aires de captage sensibles classées prioritaires, avec une filière ad-hoc de production créée en concertation avec la Chambre d’Agriculture, et le déploiement de celle-ci à l’appui d’un marché innovant garantissant contractuellement sur une durée de 25 ans un revenu satisfaisant aux agriculteurs.
La création partenariale de filières de cultures bas-niveau d’impact rémunératrices
Avec l’appui de l’Agence de l’Eau Rhin Meuse et de la Région Grand Est, le SDEA a engagé une démarche volontariste de mise en œuvre de 18 filières pérennes sur le plan économique et vertueuses aux plans environnemental et sanitaire co-construite avec des agriculteurs et opérateurs économiques précurseurs : lait de pâturage bio, avoine bio, fleurs sauvages, chanvre….