2025, sous le signe des PFAS?

Les alertes se multiplient concernant la présence de PFAS dans l’environnement et dans l’eau potable. Les coûts de décontamination apparaissent faramineux : qui va les payer? Le TFA, un métabolite de pesticide, est présent de façon massive et partout, alors qu’il était ignoré jusqu’à présent. Comment faire face? Réfléchissons et agissons ensemble.

La baignoire des PFAS déborde: qu’est-ce qu’on fait? Image DR

Une enquête collaborative internationale associant journalistes et scientifiques a estimé le coût de la pollution du continent européen par les PFAS, et a révélé la campagne de lobbying et de désinformation des industriels pour éviter leur interdiction.

Les coûts de la dépollution sont faramineux. 5 milliards d’euros par an pendant vingt ans (ou éternellement si on ne ferme pas le robinet et qu’on continue à fabriquer et à utiliser ces produits) dans l’hypothèse basse. C’est-à-dire en ne décontaminant que les sites les plus pollués, où sont fabriqués et utilisés industriellement les PFAS (ce qui revient à enlever le trop-plein de la baignoire). L’hypothèse haute, la décontamination totale (c’est-à-dire vider la baignoire), c’est 100 milliards d’euros par an pendant vingt ans (ou éternellement si on ne ferme pas le robinet et qu’on continue à fabriquer et à utiliser ces produits).

Chaîne courte et chaîne longue

S’il faut vider la baignoire des PFAS, cela ne suffit donc pas. Il faut aussi fermer le robinet et s’arrêter de les produire et de les utiliser.  Anticipant les interdictions, les industriels ont progressivement remplacé les PFAS ultratoxiques dits « à chaîne longue » (6 à 14 atomes de carbone), par des PFAS « à chaîne courte »… qui se sont avérés aussi nocifs. Pour mettre fin à cette pratique de « substitution regrettable », quatre Etats membres de l’Union européenne (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suède) ainsi que la Norvège ont développé un projet d’interdiction de toute la famille des PFAS. Ce projet est la cible d’une campagne de lobbying d’une rare intensité de la part des industriels. Au-delà de l’interdiction, se pose la question d’appliquer le principe du pollueur-payeur et de faire payer les industriels pollueurs.

En Île-de-France

La France compte cinq entreprises fabriquant des PFAS – deux à Pierre-Bénite (Rhône), une à Villers-Saint-Paul (Oise), une à Tavaux (Jura) et une autre à Salindres (Gard), dont la fermeture a été annoncée en octobre 2024 par Solvay. L’usine Chemours facility à Villers-Saint-Paul (60) rejette ses effluents dans l’Oise en  amont de l’usine de production d’eau potable du SEDIF de Méry-sur-Oise. En janvier 2024, la préfecture de l’Oise a autorisé son extension!

Le TFA

C’est dans ce paysage déjà peu réjouissant qu’est apparu le TFA (acide trifluoroacétique), un PFAS à chaîne courte. En 2023, le réseau européen d’action contre les pesticides (dont fait partie l’ONG française Générations futures) a mis en évidence sa présence massive dans les cours d’eau européen. Ce PFAS se retrouve  dans l’eau du robinet comme dans les eaux minérales en bouteilles. Rebelote en janvier 2025, avec une campagne d’analyses de l’UFC Que Choisir et de Générations futures qui montre sa présence massive du TFA dans l’eau du robinet.  Les taux sont très élevés : 6200 ng/l à Paris 10e, 2600 ng/l près de Poitiers. Ce PFAS est un métabolite de pesticides (c’est-à-dire qu’il résulte notamment de la dégradation d’un herbicide, le Flufénacet qui est lui-même un PFAS). Or le seuil réglementaire pour  les métabolites de pesticides est fixé à 100 ng/l, cherchez l’erreur! Une autre campagne d’analyse menée par le laboratoire Eurofins donne peu ou prou les mêmes résultats.

Il reste des inconnues, comme la toxicité  du TFA qui n’a pas été étudiée. S’il n’est pas « aussi dangereux que les PFOA ou PFOS », interdits en Europe depuis plusieurs années, des zones d’ombre subsistent sur la toxicité du TFA, évalué comme nocif pour le foie et la reproduction (risques de malformations). En général, les métabolites sont réputés moins toxiques que les molécules dont ils proviennent. Il est urgent d’étudier précisément ses effets sur la santé humaine, de le rechercher partout et d’interdire la production et l’utilisation de l’herbicide et des autres pesticides dont il est le résidu.

Réflexion et action

Dans notre réflexion sur les PFAS, il faut aussi intégrer qu’ils sont présents partout: dans l’eau potable, mais aussi dans le lait, dans les aliments comme les œufs, dans l’air que nous respirons, etc. L’essentiel de leur absorption par le corps humain ne provient pas de l’eau mais du reste de l’alimentation. Il faut donc s’attaquer à leur omniprésence dans l’environnement. On n’en viendra pas à bout avec un traitement supplémentaire de l’eau du robinet. Ceux qui veulent nous faire croire cela pour développer leur business, comme le SEDIF et Veolia avec l’osmose inverse basse pression (OIBP), sont irresponsables!

La Coordination EAU Île-de-France attire l’attention depuis deux ans sur la nécessité urgente d’arrêter les rejets polluants de l’usine Chemours facility sur la plateforme chimique de Villers Saint Paul qui impactent l’usine du SEDIF de Méry-sur-Oise, située en aval. Notre association a multiplié les interventions auprès des pouvoirs publics (Préfecture de l’Oise) et du SEDIF pour qu’ils prennent des mesures. Une campagne de sciences  participatives est actuellement en cours pour analyser l’eau du robinet. N’hésitez pas à participer à nos actions et à nous soutenir!


Les PFAS, une famille de 10 000 « polluants éternels » qui contaminent toute l’humanité

Les substances per- et polyfluoroalkylées, des produits chimiques de synthèse, sont très répandues dans notre vie quotidienne comme dans les usages industriels. Alors que leur grande résistance les rend quasi indestructibles dans l’environnement, où elles sont massivement rejetées, leur toxicité est de plus en plus documentée.

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Les informations de base pour comprendre le problème: un article très complet et clair, à lire absolument !


PFAS : le coût vertigineux de la dépollution de l’Europe

Enquête Alors que le Vieux Continent prend peu à peu conscience de l’ampleur de son empoisonnement par ces substances chimiques toxiques et ultrarésistantes produites par l’industrie, « Le Monde » et vingt-neuf médias partenaires ont pu, pour la première fois, calculer le prix qu’atteindrait la décontamination.

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PFAS : en France, le coût de la décontamination largement sous-estimé

D’après l’estimation conduite par « Le Monde » et ses partenaires, la France devra consacrer 12 milliards d’euros par an à l’élimination des polluants éternels si le TFA, très présent dans l’eau et qui ne fait encore l’objet d’aucune réglementation, doit être traité.

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La pollution aux PFAS plonge la Flandre dans un désastre dystopique

Reportage A l’ouest d’Anvers, se trouve l’un des pires « hot spots » de l’empoisonnement de l’environnement par les « polluants éternels ». La zone fait aujourd’hui figure de laboratoire de décontamination pour le reste de l’Europe, au prix de travaux pharaoniques et de lourds sacrifices pour la population.

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PFAS : comment « Le Monde » a évalué le prix de la décontamination

Pour parvenir à la toute première estimation de ce que cela coûterait de purger l’eau et les sols d’Europe des « polluants éternels », « Le Monde » et ses partenaires ont collecté des milliers de données et élaboré une méthodologie robuste et inédite.

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La pollution sans fin des PFAS

Stéphane Horel est journaliste au Monde. Elle travaille depuis trois ans sur les PFAS et vient de publier, avec 28 médias à travers toute l’Europe, une enquête qu’elle a coordonnée sur les polluants éternels. Elle est aujourd’hui la plume de La lutte enchantée.

Avec
  • Stéphane Horel Journaliste au Monde, spécialisée environnement et santé


Polluants éternels dans l’eau du robinet : une large présence détectée dans 96 % des communes testées.

L’UFC-Que Choisir et Générations Futures dévoilent aujourd’hui une étude  préoccupante sur la présence massive des PFAS, surnommés « polluants éternels », dans l’eau du robinet. Ces substances quasi indestructibles et toxiques pour certaines d’entre elles ont été détectées dans 29 des 30 prélèvements analysés par les associations, y compris dans de grandes villes comme Paris, Lyon et Bordeaux.

Lire le communiqué de Générations Futures

Pollution aux PFAS. Le TFA très fortement présent dans l’eau du robinet de six communes des Pays de la Loire

Deux études publiées ce jeudi 23 janvier ont détecté du TFA en forte quantité dans l’eau du robinet de six communes des Pays de la Loire. Un polluant qui n’était jusqu’alors pas recherché, mais susceptible de favoriser certains cancers. Par Eléonore Duplay.

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PFAS : l’eau potable en France est massivement contaminée par les « polluants éternels », notamment à Paris

Deux campagnes distinctes menées par le laboratoire Eurofins et les associations UFC-Que choisir et Générations futures révèlent des concentrations élevées en acide trifluoroacétique (TFA).

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Nos précédents articles sur les PFAS

Des PFAS dans l’eau du robinet

Septembre 2024 – Une enquête de France Bleu et de la cellule investigation de Radio France établit la présence généralisée de PFAS, souvent à faibles doses, dans l’eau potable. En Île-de-France, des prélèvements ont été effectués à Aubervilliers qui est alimentée par l’usine du SEDIF de Neuilly-sur-Marne. Jean-Claude Oliva, directeur de la Coordination EAU IDF, était l’invité de France Bleu Paris le 19 septembre, entretien en lien. Lire aussi les informations de France Bleu et des éléments d’analyse  de notre association.

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Pollution aux PFAS de l’Oise : pas de stress pour la préfecture

Janvier 2024 – Des élus néerlandais ont très officiellement alerté la préfecture de l’Oise de leur expérience de l’entreprise Chemours et des risques de pollution de l’environnement encourus avec l’extension de l’usine de Villers Saint Paul. Mais pour la préfecture, ce n’est pas une alerte, ni une mise en garde! Leur a-t-elle seulement répondu? En tout cas, elle n’a toujours pas répondu aux demandes d’informations et de rendez-vous formulées par Me Louise Tschanz, avocate de la Coordination EAU Île-de-France, de la Fondation Danielle Mitterrand, du MNLE et de FNE IDF… Lien ci-dessous vers les articles de Julie Pietri de Radio France.

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Comment assurer la qualité de l’eau potable?

Juillet 2023 – Une réunion publique sur la qualité de l’eau potable en Ile de France, les PFAS et les pesticides dans l’eau et le projet de technologie d’osmose inverse du SEDIF – syndicat des Eaux d’Ile de France s’est tenue le mercredi 19 juillet à Epinay sur Seine. Elle était organisée par la Coordination Eau Ile de France et le Collectif Eau publique Epinay-sur-Seine. Cette réunion s’inscrivait dans le cadre du débat public dédié au projet, qui s’est terminé le 20 juillet.

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La preuve par les PFAS

Juin 2023 – Le SEDIF justifie son projet d’OIBP/nanofiltration par un durcissement, pourtant peu probable, de la législation européenne sur l’eau à brève échéance. Malgré un discours général alarmiste, le SEDIF ne donne pas d’informations sur la présence de PFAS dans l’eau produite par l’usine de Méry-sur-Oise, particulièrement impactée par cette pollution. Le SEDIF indique que les PFAS ne sont pas retenus par ses traitements actuels mais, dans ce cas, vu les concentrations relevées dans l’Oise, l’eau produite à Méry-sur-Oise serait très proche du seuil de potabilité. Peut-on encore attendre dix ans sans réagir?

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