La combine du SEDIF pour attribuer coûte que coûte le marché, en dépit de la fuite organisée de documents confidentiels en faveur de Veolia, peut-elle faire long feu? S’estimant lésé, Suez vient de déposer un recours express qui sera examiné le 21 novembre. Pour autant, on ne peut exclure in fine un arrangement entre les deux multinationales sur le dos des usagers qui sont les vraies victimes du coup tordu du SEDIF. En effet, en choisissant sur la base des offres intermédiaires, le SEDIF s’interdit d’obtenir les meilleures conditions économiques pour les usagers et s’affranchit des conclusions du débat public sur l’eau potable qui s’est tenu après « la grosse fuite ». Les pouvoirs publics, via le Préfet de région Marc Guillaume, doivent intervenir pour protéger les usagers et demander la suspension de ce marché truqué. Notre avis et les liens vers les articles de Marianne, du Monde et de Citoyens.com
Résumé des épisodes précédents
Début avril, une fuite massive des documents de la réponse de Suez à l’appel d’offres du SEDIF, se produit en direction de Veolia. Après six mois de silence, le SEDIF tente de faire croire qu’il s’agit d’un bug informatique. Mais l’ampleur et la durée de la fuite tend à montrer une intervention humaine bien au-delà de la simple erreur (lire ici). Le SEDIF n’a plus le temps de recommencer la procédure à zéro: le contrat a déjà été prolongé deux fois d’un an. Et, selon Marianne, le préfet a fait savoir qu’il était hors de question de proroger une troisième fois le contrat de Veolia, fermant la porte au lancement d’une nouvelle procédure d’attribution. Une manœuvre de la dernière chance (lire ici) est alors tentée : André Santini annonce que la marché sera attribué à partir des offres intermédiaires, c’est à dire avant la fuite des documents.
Un surcoût pour les usagers?
Mais cette « solution » lèserait fortement les usagers domestiques. Pour une première raison qu’avance un nouvel article publié par Marianne le 9 novembre.
« A ce stade de la procédure, le prix n’a pas encore été négocié. Cette discussion devait faire le sel de la troisième et ultime offre, celle parachevant les négociations de marchands de tapis, et désormais court-circuitée. Rien n’assure que les usagers pourront bénéficier d’un tarif intéressant. « Attribuer un tel marché sans en avoir négocié le prix est pour le moins inconséquent s’insurge un avocat spécialiste du secteur. Des associations d’usagers vont monter au créneau. Et à juste titre : l’usager du service public de l’eau va payer un surcoût injustifié. Cette option présente un vrai risque pour le SEDIF. Un certain nombre de collectivités ont en effet déjà fait part de leur mécontentement concernant le syndicat. Elles disposeraient alors d’un motif tout trouvé pour quitter le SEDIF », décrypte-t-il.«
Le débat public jeté aux oubliettes
La combine de Santini permettrait en outre de ne pas tenir compte des conclusions du débat public sur l’eau potable en Île-de-France qui s’est conclu par un quasi consensus contre le projet du SEDIF de traitement de l’eau par osmose inverse basse pression. Le débat s’est tenu du 20 avril au 20 juillet. Un rapport a été publié le 20 septembre, auquel le SEDIF a trois mois pour répondre. Le SEDIF ne voulait pas de ce débat public. Il y a participé a minima. Là, il tient l’occasion de ne pas tenir compte du tout de ses conclusions. Et d’imposer une colossale augmentation des tarifs aux usagers pour financer son nouveau traitement technologique de l’eau.
Suez a déposé un référé précontractuel qui doit être examiné le 21 novembre. Si l’on ne peut toutefois pas exclure un arrangement d’arrière-boutique entre les deux multinationales, la manœuvre du SEDIF prend l’eau. Si les associations d’usagers, ni d’autres organismes publics (comme des autorités organisatrices, par exemple) ne peuvent pas déposer elles-mêmes de recours, sur le plan strictement juridique et procédural, le représentant de l’Etat pourrait également agir en référé précontractuel. Autrement dit, le préfet pourrait agir -tout comme Suez- pour contester la légalité de la procédure de passation suivie par le SEDIF. Exigeons qu’il le fasse, c’est l’intérêt public!
Suez contre Veolia : la guerre judiciaire est déclarée autour du plus gros marché public de l’eau en Europe. Par Emmanuel Lévy et Vanessa Ratignier.
Suez a saisi en référé le tribunal administratif de Paris pour casser la procédure d’attribution du marché orchestrée par le Syndicat des eaux d’Île-de-France et qui l’oppose à Veolia. L’enjeu : un contrat à 4,3 milliards d’euros.
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Marché de l’eau en Ile-de-France : Suez saisit le tribunal administratif
Après un bug informatique envoyant des documents confidentiels destinés à Suez à son rival Veolia, le processus d’appel d’offres pour le marché de l’eau en Ile-de-France a été suspendu pendant six mois, avant d’être relancé mi-octobre. A la clé, un contrat de 4,3 milliards d’euros sur douze ans.
Appel d’offres altéré pour le marché de l’eau potable en Ile-de-France : Suez va en justice
Alors qu’une énorme fuite de documents confidentiels de Suez vers Veolia, a troublé l’appel d’offres lancé par le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) pour gérer l’eau potable d’un tiers de la population régionale sur les douze prochaines années, Suez a saisi la justice pour relancer complètement la procédure.
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