Un permis de polluer

La généralisation du procédé d’osmose inverse basse pression (OIBP) que tente d’imposer le SEDIF, marque le renoncement à toute volonté sérieuse de s’attaquer à la pollution généralisée de l’eau (et de l’environnement). C’est un permis de polluer. Une réflexion pour le débat public qui s’est ouvert sur l’OIBP (voir ici).

Le 6 avril, le rapport de la dernière campagne de l’Anses révélait la présence du résidu d’un fongicide, le Chlorothalonil, dans de nombreuses eaux potables en France. Personne ne sait vraiment l’effet de ce produit sur la santé humaine mais on a de bonnes raisons de penser qu’il est néfaste. Le seuil d’alerte (limite de qualité) a été franchi mais il semble qu’on soit encore assez loin du risque sanitaire (valeur sanitaire maximale).

Dans les jours qui suivent,  on a pu entendre une petite musique sur les investissements nécessaires et forcément très importants pour traiter l’eau potable afin d’éliminer ce résidu (et bien d’autres).

Le 20 avril était lancé le débat public sur l’eau potable en Île-de-France, en fait sur la généralisation de l’osmose inverse basse pression dans le traitement de l’eau potable dans les usines du SEDIF. Cela tombe bien : ce procédé équivalent pour l’eau douce à la désalinisation de l’eau de mer, élimine tous les  résidus et les sels minéraux, à tel point que l’eau doit être reminéralisée d’une façon ou d’une autre… Et soulève une foule de questions qui seront abordées dans le débat public (voir ici)

On tient la solution pour garantir la qualité de l’eau? Le 19 avril, la même Anses recommandait de ne plus consommer les œufs et les volailles issus d’élevages domestiques en Île-de-France. Là, les polluants organiques persistants, contenus dans l’air, sont en cause. Alors, on passe l’omelette à l’osmose inverse basse pression avant de l’avaler? (A noter que la contribution de l’eau à l’exposition alimentaire totale aux résidus de pesticides est faible –lire ici).

Le problème de fond, c’est bien la pollution généralisée de notre environnement, par les pesticides notamment. C’est à cela qu’il faut s’attaquer, maintenant. Malheureusement le SEDIF ne s’y attaque pas : en dix ans, deux millions d’euros ont été consacrés au plan préventif éco-phyto (pour inciter à réduire l’utilisation des pesticides) mais c’est un milliard d’euros d’investissements qui sont prévus pour généraliser l’OIBP à ses trois usines! On voit clairement où sont ses priorités.

Bien sûr, les efforts pour arrêter l’utilisation des pesticides ne se retrouveront dans la qualité de l’eau que plusieurs années plus tard. Raison de plus pour commencer tout de suite, non? A noter cependant que des résultats sont d’ores et déjà visibles dans les eaux issues de l’aire d’alimentation de captage de la Vanne où les mesures écologiques prises par Eau de Paris sont les plus avancées (lire ici).

Le SEDIF prend prétexte du temps nécessaire pour que l’arrêt des pesticides se retrouve dans les analyses de l’eau pour imposer l’OIBP, en attendant. Mais de toute façon la mise en place de l’OIBP prendra une dizaine d’années, elle n’aura pas d’effet immédiat.

De plus la généralisation de l’OIBP est un voyage sans retour. On ne revient pas d’investissements aussi importants qui vont structurer la filière de production d’eau pour des dizaines d’années.

Et c’est maintenant qu’il faut agir. Il ne faut plus laisser la contamination des eaux brutes augmenter. A cette condition,  on pourra voir la présence des résidus dans l’eau potable décliner et disparaitre dans quelques années. Mais si on n’agit pas maintenant, la contamination de l’eau potable va continuer à croitre et il sera toujours plus difficile d’inverser la tendance.

Motivé par des raisons purement économiques, le projet du SEDIF  détourne l’opinion et les ressources provenant des usagers, de l’essentiel, c’est à dire de la lutte contre la pollution massive de l’eau et de l’environnement, et incite à continuer à faire  comme si de rien n’était : c’est un permis de polluer.

L’alerte au Chlorothalonil

Pour information, quelques précisions sur les limites applicables au fongicide Chlorothalonil.

 Pour le fongicide lui même, la valeur sanitaire maximale est de 45 microg/l. La Vmax est la valeur maximale qui ne provoque pas d’effet sur la santé des consommateurs d’eau. C’est donc la valeur à ne pas dépasser.

Pour le métabolite de dégradation du chlorothalonil R 471811 :

– la limite de qualité est de 0,1 microg/l, comme pour tout pesticide jugé pertinent, cette limite marquant une dégradation qualitative du milieu, sans incidence sanitaire. C’est le seuil d’alerte.

– la valeur sanitaire transitoire (transitoire à titre de précaution parce qu’il n’y a pas encore de données scientifiques suffisantes) est de 3 microg/l, soit 30 fois plus.

– Aucune valeur mesurée en France selon l’ARS n’a atteint cette VST, les valeurs les plus élevées étant de 2 microg/l.  

Donc, s’il se confirme qu’ont été relevées des teneurs dans les eaux traitées de la Seine, la Marne et l’Oise de 0,4 à 0,6 microg/l, on reste encore loin de la VST (dont le dépassement pourrait entrainer des restrictions de consommation).

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