Val-de-Marne: c’est parti pour la régie publique de l’eau en Seine et Bièvre

Environ 15 000 votes dont 94% pour, tel est le bilan de la votation citoyenne organisée durant trois semaines par les 9 communes (sur 18) du territoire Grand Orly Seine Bièvre (GOSB) qui souhaitent créer leur propre régie publique de l’eau, auprès de leurs 325 000 habitants.

Pour fêter la fin de la votation, les élus des neuf communes s’étaient donné rendez-vous dans un lieu emblématique de l’eau publique, les anciens bains douche de Gentilly, reconvertis en espace culturel. “Jusque dans les années 1950, l’eau n’alimentait pas les masures de la zone et de nombreuses familles devaient se rendre ici, aux bains douches, aujourd’hui transformé en outil culturel moderne, le lavoir numérique. Cela souligne combien l’eau est une ressource commune, précieuse. Il est nécessaire que sa gestion revienne dans le giron public”, a souligné Patricia Tordjman, maire PCF de Gentilly, ouvrant la conférence de presse.

Durant trois semaines, les neuf communes  (Arcueil, Cachan, Chevilly-Larue, Fresnes, Gentilly, Ivry-sur-Seine, Le Kremlin-Bicêtre, Orly et Vitry-sur-Seine) avaient organisé des réunions publiques et fait circuler une camionnette pour sensibiliser les habitants à cet enjeu.

Sorties officiellement du syndicat intercommunal des eaux d’Ile-de-France (Sedif) depuis le début de l’année 2021, mais toujours connectées au réseau du syndicat dans le cadre d’une convention temporaire, les villes projettent désormais la création de leur régie commune pour le 1er janvier 2024, date qui correspond au changement de contrat de délégation de service public (DSP) du Sedif.

Pour rappel, le syndicat intercommunal externalise actuellement la gestion de son eau potable au groupe Véolia dans le cadre d’une DSP qui s’arrête fin 2013 et travaille actuellement au choix du futur prestataire. Les communes qui ont décidé de partir du Sedif souhaitaient pour leur part ne plus externaliser la gestion des opérations. Outre les neuf communes du GOSB, les villes d’Est Ensemble, en Seine-Saint-Denis, ont entamé le même processus.

Les communes de la future régie se félicitent d’un plébiscite

“Dans un contexte de défiance vis-à-vis du politique, nous avons rapproché les citoyens de la décision politique. Grâce à ces actions d’éducation populaire, nous avons pu faire tomber des tabous comme le coût d’exploitation ou le prix pour l’usager. 15 080 personnes ont pu s’exprimer, 14 159 en faveur de la régie publique, 884 contre, 37 blancs et nuls”, se réjouit Fatah Aggoune, président de la mission de préfiguration de la régie des eaux de la Seine et de la Bièvre, à l’occasion d’une conférence de presse ce jeudi après-midi.

“Le peuple est encore trop souvent oublié par le gouvernement. Nous avons été un laboratoire de la démocratie en proposant une votation innovante dont le succès nous oblige désormais à la réalisation de cette régie”, abonde Michel Leprêtre, président de Grand Orly Seine Bièvre.

Le Sedif raille une participation de moins de 5%

Du côté du Sedif, le président du syndicat, André Santini, maire UDI d’Issy-les-Moulineaux, a réagi dans un communiqué, raillant “la très faible mobilisation” à cette votation, avec “4,62 % seulement de la population concernée”. Pour l’élu, “cette votation est une supercherie destinée à servir des fins politiques” et “la lenteur des décisions” pour mettre en place la régie “montre clairement que ces choix idéologiques sont difficiles à mettre en œuvre.” “Conscients qu’ils avaient été les otages de partis pris dogmatiques, les élus des 9 communes concernées devront maintenant acter qu’ils continueront d’acheter, en très grande partie, leur eau au Sedif pour assurer une continuité de service public. Cette modalité contractuelle aura sans aucun doute un impact négatif sur la facture des habitants car les effets de volume et de solidarité entre les 151 communes du Sedif ne pourront plus agir sur les prix”, prévient encore le patron du syndicat des eaux.

Les discussions se poursuivent pour un divorce à l’amiable

Au-delà de cette votation, les négociations entre le Sedif et ses anciennes villes adhérentes se poursuivent, notamment sur le partage des biens, sujet très sensible qui concerne des kilomètres de tuyaux et d’installations. Pendant ce temps, l’exploitation et la distribution de l’eau continuera à être opérée par Véolia Eau d’Île-de-France (Vedif). “Au 1er janvier 2022 nous aurons un directeur, du personnel administratif et des ingénieurs pour préparer la régie et contrôler les deux années transitoires. A l’achèvement de la délégation de service public, le 31 décembre 2023, la régie prendra la relève”, détaille Fatah Aggoune.

Dans cette longue procédure, les neuf communes du Grand Orly Seine Bièvre espèrent pouvoir compter sur le soutien des collectivités qui ont déjà pris leur indépendance comme la ville de Paris, autonome depuis 2010, ou encore Grand Paris Sud, en Essonne, qui a franchi le pas en 2013. Philippe Rio, maire de Grigny et vice-président de ce territoire est d’ailleurs venu à Gentilly ce jeudi pour féliciter les élus du Val-de-Marne. Jean-Claude Oliva, vice-président en charge de l’eau à Est Ensemble, dont sept des neufs villes n’ont pas renouvelé leur adhésion au Sedif, était également présent. “Il faut que nous mutualisions nos expériences pour que cette idée pèse de plus en plus lourd”, enjoint-il.

“Il faut un accord gagnant-gagnant entre le Sedif et nos neuf communes. Si nous ne parvenons pas à nous entendre sur une ligne de partage des eaux, nous pourrons nous en remettre au préfet, voire à la procédure judiciaire”, prévient le maire du Kremlin-Bicêtre, Jean-Luc Laurent.

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