Le déploiement de la technologie d’osmose inverse basse pression, qui doit permettre de retirer le calcaire et le chlore de l’eau, porté par le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), fait émerger des inquiétudes à l’occasion de l’enquête publique autour de l’installation de ce dispositif dans l’usine d’Arvigny, à Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne).
En préparation depuis 2015, le projet du Sedif « Vers une eau pure, sans calcaire et sans chlore » se traduit notamment par la volonté de déployer la technologie d’osmose inverse basse pression (OIBP) dans le cadre du programme d’investissement 2022-2031 du syndicat. Une volonté qui trouve sa source dans une enquête de 2019 de l’observatoire de la qualité du Sedif – qui dessert 135 communes de la région – qui rapporte que 52 % des usagers ne sont pas satisfaits des teneurs en calcaire et 13 % de celles en chlore.
Ce procédé de filtration, utilisé notamment en matière de désalinisation de l’eau, doit permettre de fournir une eau débarrassée des perturbateurs endocriniens et de tout micropolluant, comme les résidus médicamenteux par exemple, et toujours sans déchets plastiques. Il serait, selon le syndicat, « comparable à la nanofiltration déjà en œuvre à l’usine de Méry-sur-Oise, mais plus performante en matière de capacité de filtration pour une consommation d’énergie équivalente ».
Premier test à Arvigny
La première usine à bénéficier de ce traitement doit être l’usine d’eau souterraine d’Arvigny (Seine-et-Marne), avec des travaux devant débuter fin 2021 pour environ deux ans. Un chantier à 34 millions d’euros sur un site modeste (22 000 m3/jour produits), qui constitue un premier pas. Ce projet fait actuellement l’objet d’une enquête publique jusqu’au 21 juin, suscitant quelques questionnements des acteurs locaux.
En amont de cette procédure, l’Autorité environnementale, dans un avis du 18 octobre 2020, demandait une série de précisions sur son impact, afin notamment de disposer d’un bilan des flux d’eau entrants et sortants de l’usine, avant et après réalisation du projet, pour connaître l’effet sur la consommation. Selon nos informations, le recours à ce dispositif pourrait entraîner un besoin en eau accru de 15 à 25 %. L’institution souhaitait également connaître la localisation et le fonctionnement des rejets existants et futurs en Seine, cette technologie provoquant des rejets supplémentaires de concentrat par rapport à son activité actuelle.
Le Sedif prévoit entre 2 300 (fonctionnement normal) et 3 000 m3 (fonctionnement critique) de rejets dans la Seine par jour pour Arvigny. « La qualité des eaux de la Seine en aval du point de rejet restera pleinement compatible avec la production d’eau potable, la qualité résultante respectant les critères de la qualité minimale requise pour produire de l’eau potable à partir des eaux de la Seine », relève l’étude d’impact.
Enfin, l’Autorité environnementale attendait des précisions sur les consommations énergétiques et une évaluation des émissions de gaz à effet de serre liées au projet. « A terme, l’exploitation des installations ne sera pas l’origine d’émissions atmosphériques particulières », précise cette étude.
Concernant la consommation énergétique, un document communiqué aux membres du syndicat en novembre 2020 sur le sujet évoque une multiplication par 2,5 de la consommation d’énergie avec l’OIBP. Pour des sites plus grands, cela représenterait 35 à 40 MW par usine. Le Sedif estime toutefois que ces hausses sont « largement compensées par les économies induites pour les ménages » (voir ci-après).
Opposition d’élus essonniens
Dans le cadre de l’enquête publique, la communauté d’agglomération de Grand Paris Sud (Essonne/Seine-et-Marne) – qui n’est pas adhérente du Sedif et sur laquelle se trouve le site d’Arvigny – a émis un avis négatif sur ce projet. « La qualité de l’eau produite actuellement à l’usine d’Arvigny est bonne et ne soulève pas de question de conformité dans les périodes à venir. Le projet d’installation de l’osmose inverse basse pression à Arvigny génère des impacts environnementaux significatifs », estime-t-elle notamment.
Les élus du territoire ont également fait part de leur vive opposition lors d’une audition de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion de l’eau le 12 mai. Philippe Rio, maire de Grigny (Essonne), a notamment considéré cet investissement « douteux économiquement, injustifié d’un point de vue sanitaire et écologiquement contestable ».
L’association Eau publique Orge Essonne a fait également part de sa désapprobation. Elle conteste d’ailleurs une quelconque demande des usagers en ce sens. « Ni le Sedif, ni son délégataire n’ont jamais été en mesure, malgré leurs moyens considérables, d’obtenir ni de produire l’accord d’une association d’usagers ou de consommateurs à l’appui de leur projet démiurgique de transformation de l’eau », souligne-t-elle.
Deux autres usines en perspective
L’étape suivante pour le Sedif est d’ores et déjà prévue, avec la mise en place de l’osmose inverse basse pression sur deux de ses principales usines : Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis). Deux sites nettement plus importants qu’Arvigny, avec autour de 300 000 m3 d’eau produit par jour et 3,7 millions d’habitants desservis. Un chantier évalué cette foisci à 800 millions d’euros et programmé pour 2026-2029 afin d’être opérationnel à l’horizon 2031. Le coût estimé d’exploitation est de 11,5 millions d’euros par an et par usine.
« Les projections financières établies sur le projet OIBP telles que présentées en bureau du Sedif du mois de novembre 2020 à l’issue des études des assistants maîtres d’ouvrages étaient de l’ordre de 20 centimes d’euros/m3 d’eau [supplémentaires], soit environ 25 euros par foyer et par an, à l’horizon 2031, à la livraison de l’OIBP », indique le syndicat au Journal du Grand Paris.
Des économies de 100 euros par an pour les usagers, évaluées par une étude de Deloitte, sont estimées en parallèle, en raison de la moindre usure et de la réduction de la consommation des appareils ménagers et des chaudières, ainsi qu’une baisse des besoins en détergents pour les entretenir, du fait du retrait du calcaire dans l’eau.
« Plus porteur et moins coûteux de traiter collectivement un sujet »
« Ce projet redémontre un principe souvent évident : il est généralement plus porteur et moins coûteux de traiter collectivement un sujet, plutôt que de façon individuelle, dans chaque foyer, par la démultiplication d’appareils qui deviendront inutiles », fait valoir le Sedif. Dans son avis d’octobre 2020 sur l’usine d’Arvigny, l’Autorité environnementale souhaitait d’ailleurs la mise en place d’un suivi des consommations des usagers du fait de l’amélioration de la qualité de l’eau.
L’association Eau publique Orge Essonne rappelle, elle, dans son avis sur Arvigny, que l’attente première des consommateurs porte sur le prix de l’eau et que ceux-ci « attendent à 100 % que l’élimination des micros-polluants se fasse à la source en évitant leur production, par une action renforcée de responsabilisation juridique et financière des auteurs de cette production, pour l’éliminer ». Un choix qui a été fait notamment par Eau de Paris. La régie a en effet lancé, avec le soutien de l’agence de l’eau Seine-Normandie, un dispositif d’aides agricoles qui combine protection des eaux souterraines et appui à l’agriculture durable et biologique sur ses zones de captage.
L’OIBP testée par Eau de Paris
Eau de Paris n’exclut pas de déployer un jour des membranes de type osmose inverse basse pression pour faire face à des problématiques ciblées, un pilote semi-industriel a d’ailleurs été installé dans son usine de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Objectif : « bien comprendre le fonctionnement, vérifier la performance, évaluer la consommation énergétique et les rejets », remarque Estelle Desarnaud, directrice générale adjointe de la régie. Un moyen aussi de mieux évaluer les éventuels coûts d’exploitation de cette technologie. Un deuxième test va prochainement débuter sur le site de L’haÿ-les-Roses (Val-de-Marne).
Toutefois, « un développement à grande échelle n’est pas envisagé car ce n’est pas justifié par les enjeux sanitaires, l’eau étant déjà d’excellente qualité », observe Estelle Desarnaud. De plus, avance-t-elle, « six de nos usagers sur dix ne sont pas prêts à payer plus pour avoir moins de calcaire dans l’eau. Nous considérons donc que les gains sont loin de valoir les inconvénients, en particulier la très forte surconsommation énergétique et l’augmentation significative de la facture d’eau ».
Mais les projets du Sedif en la matière ne laissent par la régie parisienne indifférente. « Nous regardons cela de près, notamment le projet d’équipement en OIBP de l’usine de Neuilly-sur-Marne
s’agissant des rejets qu’elle va produire dans la Marne, en amont de notre site de Joinville », relève la directrice générale adjointe.
Des innovations pour supprimer les micropolluants
Eau de Paris déploie actuellement, sur son usine d’Orly (Val-de-Marne), un réacteur de charbon actif en micro grain à renouvellement continu qui traite la matière organique et les micro polluants tels que les pesticides. Une technologie dont la mise en place coûte 42 millions d’euros pour traiter 150 000 m3 par jour.
La société Biostart, basée à Evry au Genopole (Essonne), va débuter de son côté cette année la commercialisation d’une molécule qui supprime les micropolluants des eaux usées ou propres. Destinée aux grands opérateurs de l’eau ou aux régies publiques, celle-ci vient proposer « une solution moins onéreuse que les dispositifs actuels qui nécessitent des installations particulières », explique Fabrice Grenard, un des cofondateurs. Cette innovation intervient en traitement tertiaire pour supprimer les métaux lourds, les perturbateurs endocriniens et les résidus de pesticides. En contact notamment avec Eau de Paris, la société entre en phase pilote industriel en vue d’un lancement en septembre.
Bonjour,
Les nombrilismes divers sont, depuis longtemps, ridicules et dangereux même pour notre démocratie.
Combien d’alertes faudra-t-il pour que ce sujet parmi, malheureusement, plusieurs autres, soit traité avec tout le sérieux nécessaire ?!
Qui va enfin parvenir à imposer un dialogue objectif et constructif sur la gestion de l’eau en France ?!
Comme d’habitude, nos « élites » politiques prétentieuses et soucieuses, trop souvent, de la préservation d’intérêts très privés, se révèlent incapables, ne serait-ce que de s’inspirer de ce qui existe chez nos voisins. La Suisse, par exemple, ne pourrait-elle pas faire l’objet d’une approche, d’un dialogue ?
Allez ! Un peu de courage. Puisque tous les spécialistes crédibles nous disent qu’il y a urgence !!
Vous avez certainement lu ceci. : https://www.mediapart.fr/journal/economie/dossier/dossier-la-bataille-suez-veolia
Au-delà de tout sectarisme, peut-être y trouverez-vous qqs bonnes approches ?!
Meilleures salutations.