Le projet du Syndicat des eaux d’Ile-de-France pour une eau plus filtrée mais plus chère divise

Le Sedif, en charge de l’eau potable de 4,6 millions de Franciliens, a un projet à 800 millions d’euros pour filtrer davantage l’eau potable des pollutions émergentes. Eau de Paris présente une alternative low tech en mettant une filtration au charbon actif dans son usine d’eau d’Orly. Par Myriam Chauvot dans Les Echos du 6 juillet 2021.

La tension est à son comble dans la bataille autour du modèle à adopter pour l’eau potable de demain. Pour les deux camps en présence, le mardi 6 juillet est une journée importante. Dans le camp des opérateurs privés de l’eau, tout d’abord, il s’agit du dernier jour pour se porter candidat au plus gros contrat de France : la gestion de l’eau potable de 4,6 millions de Franciliens desservis par le Syndicat des eaux d’Ile-de-France, le Sedif.

Les candidats approuvés auront, fin juillet, le cahier des charges de la prochaine délégation de service public (DSP) , d’une durée de douze ans. Le Sedif choisira le gagnant mi-2023. Le sortant, Veolia, dont l’actuelle DSP s’achève fin 2023, ne se laissera pas déloger facilement. Pour le « nouveau Suez » , le test va être crucial.

Deux camps s’affrontent

Car après la fusion de Veolia avec Suez en fin d’année, le futur groupe indépendant sera détaché pour être détenu par les fonds Meridiam et GIP. C’est à l’aune de l’appel d’offres du Sedif que les observateurs mesureront s’il existe encore une vraie concurrence en France après cette opération.

Dans le même temps, un autre camp montre ses muscles. Les rencontres nationales de l’association « France Eau Publique » réunissent, en effet, les collectivités locales gérant leur eau en régies publiques. Pour elles, la DSP est une mainmise du privé sur une ressource vitale qui pâtit de leur course au profit, et le choix du Sedif de rester en DSP est douloureux. Leur combat est porté par de grands acteurs publics tels Eau de Paris, créé lors du retour en régie de l’eau potable de Paris intra-muros il y a dix ans, quand Veolia a perdu sa DSP.

Traitements plus chers

Derrière ces deux modèles de gestion s’affrontent deux visions de l’eau potable de demain : doit-elle être high-tech, avec des traitements de potabilisation plus chers, ou low tech et « durable », en préférant prévenir la pollution plutôt que de la guérir par des traitements. Le débat est illustré par deux projets. Celui du Sedif tout d’abord. Dans le cadre de sa prochaine DSP, il va lancer un programme à 800 millions d’euros pour doter d’ici à 2030 ses trois usines d’eau d’une technologie très poussée de traitement des pollutions émergentes.

Le procédé s’apparente au dessalement de l’eau de mer : l’eau captée dans la Seine, l’Oise et la Marne (le Sedif n’a pas de nappes souterraines) sera propulsée sous pression à travers des membranes. Ce procédé, appelé « osmose inverse basse pression » (OIBP), n’a jamais été appliqué à de la potabilisation d’eau en France. Ce sera une première et elle cristallise les passions.

Nouvelle directive européenne

La nouvelle directive européenne sur l’eau de décembre 2020 fixe de nouveaux critères de surveillance des nouvelles pollutions, sans pour autant imposer à ce stade de les traiter. Elle n’est pas encore transposée en droit français. Le procédé promu par le Sedif, au coût élevé, divise. Les acteurs privés de l’eau « se sont engagés dans une véritable fuite en avant technologique, qui va à rebours de la transition écologique et va peser lourdement sur la facture d’eau », accuse le président d’Eau de Paris et adjoint au maire de Paris en charge de l’eau, Dan Lert.

« Il n’y a aucune fuite en avant. La fuite, c’est quand on ne sait pas où on va. Nous estimons que l’OIBP est la meilleure technique en rapport qualité prix pour l’avenir », rétorque le premier vice-président du Sedif, Luc Strehaïano. Le syndicat francilien estime que cela renchérira le prix de l’eau de 20 centimes par mètre cube​.

Eau de Paris s’inquiète par ailleurs de voir le Sedif rejeter dans les cours d’eau, si l’administration l’autorise, le concentrat de pollution que générera l’OIBP par sa filtration extrême de l’eau. Il pointe aussi la hausse de la consommation d’eau et d’électricité qu’implique ce procédé, qu’elle teste dans deux pilotes miniatures.

Le camp public brandit, en alternative, le projet que mène Eau de Paris dans son usine d’eau d’Orly (Val-de-Marne), qui dessert 25 % des Parisiens. 45 millions d’euros y sont investis pour démarrer mi-2022 une filtration de l’eau potable améliorée par charbon actif, une technique plus frugale. L’avenir tranchera le débat high tech-low tech. Pour l’heure, le gagnant est Stereau, la filiale d’ingénierie de la Saur, qui met en place à la fois l’OIBP pour 2024 dans l’usine pilote du Sedif à Arvigny (Seine-et-Marne) et la filtration par charbon actif d’Eau de Paris.

2 réflexions sur « Le projet du Syndicat des eaux d’Ile-de-France pour une eau plus filtrée mais plus chère divise »

  1. Pourquoi l’eau de Paris coute moins chère que l’eau de Ile de France ? Et le Projet d’amélioration de filtrage couterai 800million alors que pour Paris c’est 45 million.

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