Tous les articles par admin

Le Forum des déceptions

« Le 7ème Forum Mondial de l’Eau s’est tenu du 12 au 17 avril 2015 à Daegu et Gyeongbuk, en Corée du Sud. Faiblesse des processus, mise à l’écart de la société civile, difficultés organisationnelles… Ce Forum n’aura pas été un espace porteur, capable de faire avancer la cause de l’eau avec l’ensemble des acteurs du secteur. »

C’est le bilan édifiant que tire la Coalition eau du dernier Forum mondial de l’eau. De notre côté, nous avions déjà pu constater à Marseille en 2012, que ce processus était à bout de souffle : c’était même une des raisons fortes pour organiser le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME). Il est tout à fait consternant que ce cirque ait continué comme si de rien n’était… Mais cela nous interroge aussi sur l’espace qui existe au niveau international pour d’autres initiatives de la société civile, après le succès du FAME à Marseille en 2012, et des collectivités territoriales.

En conclusion, la Coalition eau indique: « Les organisations de la société civile ne sont plus prêtes à composer avec un Forum spectacle et des effets d’annonce perpétuels : après le « temps des solutions » et le « temps de la mise en œuvre » des derniers Forums, doit maintenant venir le « temps du changement ». »

Lire la déclaration intégrale de la Coalition eau

Fabuleux contrat du SEPG: nouveau recours

Alors que le tribunal administratif n’a toujours pas statué sur le recours déposé par les associations contre la délibération du Syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers (SEPG) du 29 mai 2013 reconduisant une délégation de service public, le comité d’administration du 5 mars 2015 a choisi Eau & Force, le délégataire sortant, filiale de Suez Environnement, pour une période de  12 ans à compter du 1/7/2015. Un nouveau recours est donc déposé par la Coordination Eau Île-de-France avec Naturellement Nanterre, la fondation France Libertés et le collectif Eau claire de Seine.

Voici les motifs principaux mais non exhaustifs de ce recours, gracieux, dans un premier temps.

La validité de ce contrat est subordonnée à celle de la délibération du 29 mai 2013 choisissant l’affermage comme mode de gestion du service public de l’eau. Nous continuons bien évidemment de contester la légalité de cette délibération et nous attendons avec confiance le jugement du TA de Cergy saisi sur ce point.

Le contrat comporte une grille tarifaire rendue publique applicable à tous les usagers mais il est accordé à Eau&Force la latitude de consentir des réductions tarifaires à de entités grosses consommatrices, ce qui est à l’opposé des principes  de justice sociale et d’une politique écologique visant à encourager une décroissance de la consommation d’eau de chaque usager.

Sans la moindre concertation avec les premiers concernés que sont les usagers et leurs représentants, sans disposer d’informations susceptibles de démontrer rigoureusement l’intérêt de cette option, le choix a été fait d’acheter, de faire produire et de faire distribuer par Eau&Force une eau dite décarbonatée, et ce à partir de 2018 au prix d’une augmentation disproportionnée du tarif à la charge des usagers.

Les comptes d’exploitation prévisionnels d’Eau&Force affichent plus de 42,9 millions d’euros de bénéfices avant impôt sur la durée du contrat, auxquels il convient d’ajouter près de 24 millions d’euros préalablement versés à la société mère, soit un total de près de 67 millions d’euros, représentant 11,6% du chiffre d’affaires, prélevés sur les usagers de l’eau sans aucune justification économique ni écologique, au seul bénéfice –avant impôt- des dirigeants et actionnaires du groupe Suez Environnement et accessoirement de l’État.

Nous avons bien pris note d’une diminution moyenne théorique de 23% de la part de l’eau potable dans les factures payées par les usagers des 10 villes, à consommation égale, du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2017. La société Eau&Force a du consentir de façon provisoire à cette réduction, sans conséquences cependant sur la santé financière du groupe Suez Environnement auquel elle appartient. Cela confirme l’ampleur, invraisemblable pour le commun des mortels, des marges engrangées depuis des décennies par la même société au fil des reconductions et des prolongations de contrats accordées par le SEPG.

Ce fabuleux contrat montre que le SEPG joue pour Suez le même rôle que le SEDIF pour Veolia, à savoir celui d’une manne quasi illimitée qui permet de remporter d’autres marchés dans des conditions moins favorables.

Enfin, à notre grand étonnement,  le règlement du service de l’eau, intégré au contrat, stipule des cas où Eau&Force est autorisée à couper l’alimentation en eau des ménages contre leur gré, ce que nous jugeons évidemment contraire au respect élémentaire de la dignité des êtres humains et qui est formellement proscrit par la loi dite Brottes actuellement en vigueur.

Eau et climat au Forum Social Mondial de Tunis

Daniel Hofnung à gauche et Emmanuel Poilane à droite

Environ 50.000 personnes venues de 162 pays étaient sur le campus « El Manar » de l’université de Tunis pour ce forum, avec 1070 activités. La délégation de la Coordination Eau Île-de-France a participé à la série d’ateliers « Eau, planète et peuples -EPP2 » (eau et climat, eau et agriculture, eau et droit, eau et énergie) organisés autour de France-Libertés et du CRID.

Sur le premier thème « eau et climat », l’hydrologue slovaque Michal Kravčík a expliqué la baisse tendancielle de l’infiltration d’eau dans le sol et du renouvellement des nappes phréatiques, avec la croissance du ruissellement qui se fait au détriment des eaux souterraines, à la campagne comme à la ville : l’eau contenue dans les sols diminue en même temps que le niveau des mers s’élève. Ce déficit contribue au réchauffement climatique, avec la modification de l’évaporation et l’augmentation de la transformation du rayonnement solaire en chaleur sensible sur des sols plus secs.

Cette explication complémentaire du réchauffement ouvre la possibilité d’agir positivement sur le climat en restaurant le petit cycle de l’eau par l’infiltration de l’eau dans le sol : on retrouve ici des solutions proches de celles préconisées par l’agence de l’eau RMC.

Dans son pays, un programme a été conduit en 2011-12 avec la réalisation de petites retenues, en général réalisées avec des troncs d’arbres, sur le cours haut des rivières afin de lutter contre les inondations et infiltrer l’eau. Ce type d’ouvrage coûte 5 à 10 fois moins cher que les solutions plus techniques proposées habituellement, et offre de l’emploi local. La conséquence a été la régularisation sur l’année du régime des cours d’eau concernés et la hausse du niveau des nappes.

J’ai moi-même complété sur la problématique urbaine, avec deux images issues de l’animation du site de l’agence de l’eau R-M-C dont j’ai souligné la qualité du travail, puis des exemples d’infiltration d’eau en ville, pouvant aller à 100 % des eaux de pluie. J’ai rappelé le rôle central de l’arbre, à la fois pour l’infiltration de l’eau dans le sol et pour le rafraîchissement lié à l’évapotranspiration.

Un participant du Burkina Faso a été dans le même sens : l’ONG a fait une sensibilisation de la population au rapport entre eau et climat, avec la disparition des arbres dont les jeunes n’avaient pas conscience. Quand cela a été compris, des petits barrages de sable ont été réalisés sur des cours d’eau. En moins d’un an le niveau d’eau a remonté dans les puits et l’herbe a réapparu.

Michal  Kravčík a jugé l’actuelle politique de l’eau visant la protection de la ressource et des aquifères insuffisante, et s’est prononcé pour une nouvelle génération de lois fixant la responsabilité de retourner l’eau à l’écosystème et au cycle de l’eau.

C’est la préoccupation que nous avons portée avec Nathalie Seguin, du Mexique, à l’assemblée de convergence sur « Terre et Eau ». La déclaration « contre l’accaparement de l’eau et des terres » qui a été adoptée fait désormais mention du cycle de l’eau.

© Tribune de Daniel Hofnung pour ATTAC et Coordination Eau – Île de France

Les associations « pour l’eau publique » de la Vallée de la Seine s’opposent à la privatisation de l’eau

L’adoption par l’Assemblée Nationale, le 10 mars dernier, de la nouvelle loi de décentralisation portant la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (loi NOTRe) a pour conséquence de faire disparaître les syndicats intercommunaux, notamment dans les secteurs de la fourniture de l’eau potable et l’assainissement, au profit de gigantesques intercommunalités. Celle qui nous concerne, devrait comporter 405 000 habitants de Conflans Sainte Honorine à Rolleboise.

Ce transfert de compétence aboutira à dessaisir les communes de la responsabilité du service de l’eau qui était la leur dans l’exercice d’un service public, renforcera la mainmise des sociétés privées multinationales du secteur et éloignera encore un peu plus les citoyens de leur capacité à contrôler la qualité de l’eau, l’entretien du réseau de distribution et les prix pratiqués.

Alors que les dispositions prises par les régies publiques au profit des consommateurs domestiques démontrent les avantages que ceux-ci peuvent tirer de l’existence des régies (comme celle de Limay-Guitrancourt), la privatisation conduit, à l’inverse, à des prix plus élevés pour un service dont les performances restent largement « perfectibles ».

Nos Associations, réunies le 4 avril 2015 en Mairie de Limay, réaffirment leur volonté de défendre et de préserver les régies existantes et de combattre pour que la distribution de l’eau potable et l’assainissement soient assurés et unifiés par un service public en régie commun au nouvel ensemble.

Elles décident d’engager une campagne d’information de tous les habitants de la future agglomération « Grand Paris Val de Seine » et d’organiser une série de réunions publiques sur ce sujet à partir d’octobre 2015.

AREP-CAMY – Association Les Mur’Eau – Eau Val de Seine – ARRPE-Courgent.

Coupures d’eau pour impayé : une nouvelle victoire en justice

Le tribunal d’instance de Gonesse a condamné la Compagnie des Eaux de Goussainville à verser 800€ de préjudice matériel et 1.200€ de préjudice moral à une victime de coupure d’eau.

France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France ont attaqué la Compagnie des Eaux de Goussainville aux côtés d’une victime de coupure d’eau. Dans l’ordonnance de référé rendue le 16 avril 2015, le juge a rappelé que :

«  L’alinéa 3 [de l’article 1 du décret du 13 août 2008 dans sa version modifiée par le décret du 27 février 2014] prohibe l’interruption de la fourniture d’eau pour une résidence principale en cas de non-paiement des factures pendant toute l’année »

Le distributeur avançait la prétendue « mauvaise foi » de la victime :

« [la plaignante] est de mauvaise foi ; elle n’a jamais contesté les factures émises par la société CEG […] cependant elle n’a jamais eu l’intention de les payer ».

Cette attitude des entreprises de l’eau est en contradiction flagrante avec la notion même de service public, dont on attend, au minimum, le respect des lois et des droits des usagers. Or nous recevons chaque jour de nouveaux témoignages de coupures.

France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France appellent les distributeurs à cesser immédiatement toutes les coupures d’eau et à appliquer la loi, renforcée par les jugements successifs (cf Soissons, Bourges, Valenciennes, Thionville, Lyon) et par les débats de l’année écoulée.

Brottes contre Cambon : le service public de l’eau à nouveau garanti pour les plus démunis

France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France se réjouissent que l’amendement de François Brottes, rétablissant l’interdiction des coupures d’eau, ait été adopté hier par l’Assemblée Nationale, en commission spéciale, dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique.

L’amendement n°822 remplace celui du sénateur Christian Cambon (article 60 bis A) qui rétablissait la pratique des coupures d’eau sauf pour les personnes « éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence ». Nous saluons cet amendement qui revient au droit en vigueur en rétablissant l’interdiction généralisée de cette pratique indigne.

« Si l’article introduit par le Sénat se justifie sur le plan théorique […], l’interdiction de coupure d’eau sans condition de ressources répond à la nécessité d’être pragmatique. Les personnes confrontées au risque d’une coupure d’eau sont dans une situation d’urgence, la plupart du temps non prévisible. […] Le temps de l’urgence n’est pas celui de l’appréciation de conditions, au demeurant exprimées dans des termes trop généraux pour permettre une décision rapide. Maintenir l’article 60 bis A, c’est prendre le risque de procéder à des coupures d’eau qui ne se justifiaient pas, et donc de priver d’un bien essentiel des ménages en grande difficulté »

Nous appelons les distributeurs à cesser immédiatement toutes les coupures d’eau et à appliquer la loi, renforcée par les jugements successifs (cf. Soissons, Bourges, Valenciennes, Thionville) et par les débats de l’année écoulée.

France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France regrettent que l’amendement donne aux distributeurs d’eau la possibilité de procéder à une réduction de débit. Elles seront très attentives à la mise en place de réglementations pour que, contrairement à la situation actuelle (cf. jugement de Lyon), la mise en œuvre de la réduction de débit soit une mesure exceptionnelle et n’attente pas à la dignité des personnes. Pour exemple, la réduction de débit ne saurait intervenir pendant la trêve hivernale car elle impacterait directement la capacité des foyers à pouvoir se chauffer.

Consultez l’amendement n°822