Le Ministère Public renforce notre lecture de la loi Brottes

Communiqué de presse du mercredi 10 décembre 2014

Dans le cadre du combat que nous menons contre les coupures d’eau illégales, la procédure judiciaire au Tribunal de Grande Instance d’Amiens continue pour Arnaud C., privé d’eau depuis un an et sept mois, contre la SAUR. Suite à l’audience du 28 novembre 2014, le juge des référés a demandé au Ministère public de faire connaître sa position sur la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) déposée par la SAUR. La SAUR a indiqué au juge ses observations relatives à cet avis lors de l’audience du 10 décembre 2014.

Le Ministère public s’est exprimé sur la QPC en plusieurs points :

Pour lui, le respect de l’atteinte à la dignité humaine et la protection de la santé justifie l’atteinte à la liberté contractuelle et à l’économie du contrat.

Il considère également l’article L.115-3 du Code de l’action sociale et des familles comme clair et précis ne remettant pas en cause l’intelligibilité de la loi.Pour rappel, il stipule que les distributeurs d’eau ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption pour non-paiement des factures, de la distribution d’eau tout au long de l’année.

Le Ministère public rappelle enfin que les fournisseurs d’énergie et les distributeurs d’eau ne sauraient se trouver dans une situation comparable – les premiers étant soumis à la trêve hivernale et les seconds ayant interdiction toute l’année.

L’avis rendu par le Ministère public conforte ainsi notre lecture de la loi et confirme l’illégalité des coupures d’eau pour impayés.

France Libertés et la Coordination Eau-Île-de-France déplorent l’attitude vindicative de la SAUR qui maintient avoir pris les dispositions nécessaires devant les difficultés financières subies par la victime. Or, il est prouvé que le plaignant a reçu des nouvelles factures de la SAUR pour une consommation estimée, après la coupure d’eau !

France Libertés et la Coordination Eau-Île-de-France sont surprises du refus de la SAUR d’admettre une erreur aussi évidente qui démontre l’impasse dans laquelle la société se trouve.

France Libertés et la Coordination Eau-Île-de-France souhaitent connaître le plus rapidement possible la position de tous les acteurs de l’eau, notamment celle des distributeurs et des élus ainsi que de leurs fédérations respectives, dans le but de garantir rapidement le respect de la loi interdisant les coupures d’eau.

Le jugement d’Amiens est mis en délibéré pour le vendredi 19 décembre 2014.

Noréade décide de respecter la loi Brottes : il n’y aura plus de coupures d’eau pour impayés dans cette régie !

C’est lors de la présentation de ses travaux à des dizaines d’élus de l’Aisne que le SIDEN-SIAN et sa régie Noréade, syndicat d’origine nordiste qui distribue l’eau et s’occupe de l’assainissement pour plus de cent communes axonaises, ont annoncé qu’ils ne couperaient plus l’eau en cas d’impayé. Cette nouvelle fait suite à la décision du tribunal de grande instance de Valenciennes qui a appliqué la loi Brottes et contraint Noréade à rouvrir l’eau chez une plaignante qui en était privée depuis 200 jours.

« Ces coupures d’eau n’arrivaient que dans 1 % des cas, mais avec du laxisme, elles pouvaient être multipliées par deux ou trois, » déclare Bernard Poyet directeur général. Auparavant, la coupure intervenait normalement au bout de soixante-quinze jours, après plusieurs lettres de rappel. « Nous allons mettre en place des procédures de recouvrement, comme des oppositions à tiers détenteur », ajoute-t-il.

C’est une victoire pour l’action menée sans relâche par la Coordination Eau Ile-de-France et la Fondation France Libertés – Danielle Mitterrand, depuis mars 2014, pour faire respecter la loi Brottes par tous les distributeurs d’eau, privés et publics, en France.

C’est là un moyen de faire respecter et mettre en œuvre le droit humain à l’eau et à la dignité.

Nous défendons aussi la gestion de l’eau comme un service public et, à ce titre, nous nous tenons à la disposition de Noréade et des régies publiques d’eau qui souhaitent réfléchir à de nouvelles façons de gérer les impayés. Nos contacts privilégiés avec les usagers et avec les différentes régies qui ne recourent pas aux coupures d’eau pour obtenir le paiement de leurs factures, nous permettent de connaître différentes pratiques qui pourraient inspirer Noréade et d’autres…

Lire l’article du Courrier Picard

Le 10 décembre, le Ministère Public s’exprimera dans une affaire de coupure d’eau illégale

Communiqué de presse
1er décembre 2014

Ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance d’Amiens : le Ministère Public s’exprimera dans l’affaire de la coupure d’eau chez un particulier par la SAUR

Suite aux condamnations de Suez Environnement à Soissons, de Veolia à Bourges et de la régie Noréade à Valenciennes pour coupures d’eau illégales, le jugement du Tribunal de Grande Instance d’Amiens était attendu ce vendredi 28 Novembre 2014 dans l’affaire opposant Arnaud, privé d’eau depuis un an et sept mois, à la SAUR.

Le juge a annoncé aujourd’hui dans son ordonnance de référé la réouverture des débats pour permettre au Ministère public de faire connaître sa position. Le jugement attendu permettra de statuer sur la Question Prioritaire de Constitutionnalité qui avait été soulevée par la SAUR.

La réouverture des débats aura lieu le 10 décembre 2014.

La Fondation France Libertés et la Coordination Eau-Île-de-France sont satisfaits que le Ministère public puisse se positionner sur ce point de droit qui a fait l’objet de plusieurs jugements depuis quelques semaines.

La Fondation France Libertés et la Coordination Eau-Île-de-France invitent tous les journalistes intéressés à assister à l’audience du 10 Décembre 2014 à 9h30 au Tribunal de Grande Instance d’Amiens.

Une femme et un homme ont planté une forêt

Comment la forêt peut restaurer le cycle de l’eau et le climat : un exemple au cinéma dans Le Sel de la Terre de Wim Wenders et Juliano Salgado.

Par Daniel Hofnung le 29 novembre 2014,

La terre, saccagée et mise à mal, peut être belle à nouveau : le film de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado, Le Sel de la Terre, en montre un exemple réussi.

Avec le changement climatique, nous constatons la dégradation croissante de notre environnement : zones asséchées, événements climatiques violents, érosion des sols, inondations catastrophiques.

La solution couramment avancée pour lutter contre le changement climatique est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais il existe d’autres leviers d’action, plus accessibles qui, agissant sur les effets du changement climatique ou ses causes, permettent aussi de reconstituer des écosystèmes. La solution apportée dans la vallée du rio Doce, au Brésil, montre le rôle des humains pour agir sur les phénomènes évoqués plus haut.

La déforestation intervient de manière majeure dans la désertification : elle est à la fois cause d’érosion des sols – avec la perte du couvert végétal – de réchauffement de la température (un arbre est un climatiseur naturel, par l’évapotranspiration des feuilles, il fait plus frais en forêt l’été) et de modification du cycle de l’eau (allant jusqu’à la disparition de sources, les racines des arbres favorisant l’infiltration de l’eau de pluie).

Dans le « le Sel de la terre », la première partie est consacrée au travail du père de Juliano Salgado, le photographe Sebastião Salgado, avec ses reportages photos de la condition humaine, toujours réalisés sur plusieurs années, dans quelques uns des pires épisodes de la deuxième moitié du dernier siècle. La vie de Salgado bascule après la mort de son père.

Ce dernier exploitait une grande ferme d’élevage dans l’état du Minas Gerais, dans la zone de l’ancienne forêt pluviale tropicale atlantique. La déforestation ainsi que l’exploitation d’une mine de fer avaient laissé dans cette région un paysage désolé, sans eau et un sol fortement érodé.

(c) Instituto Terra
Photographie de l’Instituto Terra : Fazenda Bulcao en 2000

Sebastião fils rachète la ferme à sa famille et sa femme Lélia lui propose de se lancer dans la restauration la forêt. Dans ce but, ils créent l’ « Instituto Terra » en avril 1998 avec des partenaires.

Soixante pour cent des premier arbres plantés en décembre 1999 meurent, puis, pour les seconds, la perte est de quarante pour cent, mais Lélia et Sebastião persistent. Grâce à leur persévérance, la forêt s’est installée peu à peu, l’érosion a été stoppée par la végétation, puis la zone a connu une métamorphose remarquable : avec le retour des arbres, l’eau a coulé à nouveau, et des espèces animales risquant l’extinction ont trouvé refuge dans la nouvelle forêt.1

Au bout de 12 ans deux millions sept cent mille arbres ont été plantés, une forêt luxuriante couvre près de 7.000 ha, et alors que les sources étaient asséchées, huit sources naturelles coulent à nouveau : leur débit atteint 20 l/mn, même en période de sécheresse.

Photographie de l'Instituto Terra : Fazenda Bulcao en 2012
Photographie de l’Instituto Terra : Fazenda Bulcao en 2012

L’institut a formé et sensibilisé de nombreux enfants, développé des formations sur l’environnement et a créé un centre d’études sur la restauration des écosystèmes. Il forme des agriculteurs aux méthodes de restauration de la nature et à l’aide de la reforestation. Les agriculteurs environnants sont intéressés, car ils n’ont plus d’eau et des terres érodées : « sans eau, pas de plantations, pas de vie ». La plantation d’arbres fait revenir l’eau, les prairies desséchées sont restaurées, et les vaches donnent à nouveau du lait, procurant des revenus réguliers aux agriculteurs.

Le travail mené par l’Institut, selon eux, peut servir de base dans le monde entier : les grands problèmes qui se posent aujourd’hui sont ceux du climat et de l’eau. Or, leur expérience prouve que « nous créons l’eau et le climat par le moyen de la forêt ».

Voila un bel exemple d’initiative citoyenne pour faire face au changement climatique, un exemple de contrée qui était devenue aride par l’action de l’homme (déforestation, élevage extensif, mine de fer), qui est redevenue une forêt luxuriante par une autre action de l’homme, positive celle-ci.

Notre développement productiviste est synonyme d’écocide (disparition d’espèces vivantes). Ici, la restauration de la forêt a fait revenir plusieurs espèces animales menacées d’extinction, qui ont trouvé un refuge sûr dans cette forêt.

Oui, il existe des réponses positives au changement climatique. L’exemple brésilien de restauration de la forêt dans la vallée de la rivière Doce, les exemples en Slovaquie, au Rajasthan ou ailleurs2 le montrent : la restauration du cycle de l’eau est possible et elle a des résultats bien supérieurs à ce qu’on peut imaginer.

Ce ne sont pas les fausses solutions que proposent les conférences officielles : le marché carbone, les droits d’émission, les mécanismes de développement propre… uniquement accessible à des experts estampillés onusiens, qui résoudront le problème du réchauffement climatique, pas plus que les nouvelles méthodes comme le REED (Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradation) ou la Climate Change Agriculture mené avec des solutions proposées par les multinationales3.

La seule réduction des émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas à agir sur le climat : ce sont des efforts combinés avec des actions ciblées sur différents écosystèmes qui permettront un réel impact ; une rupture avec le développement actuel, la création de nouveaux rapports entre l’homme et la nature, respectant celle-ci au lieu de la détruire et de l’asservir ; la restauration du cycle de l’eau, modifié partout par des aménagements destructeurs ou la croissance urbaine.

C’est la mise en œuvre, partout, d’alternatives écologiques au système actuel qui nous donne la perspective une belle planète, revivifiée, où il fera à nouveau bon vivre.

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1 https://www.institutoterra.org/eng/conteudosLinks.php?id=23&tl=V2hhdCB3ZSBkbw==&sb=MTI=#.VHJpRY-dknk

2 Voir l’article précédent de Daniel Hofnung « Restaurer le climat » sur son blog : https://blogs.attac.org/auteur/daniel-hofnung, et les autres références sur le site de l’Instituto Terra.

3 Voir « La Nature n’a pas de prix, les méprises de l’économie verte » ATTAC, Éd. les liens qui libèrent

IRLANDE Ce n’est pas qu’une histoire d’eau

Dessin d'Aguilar paru dans la Vanguardia, BarceloneDessin d’Aguilar, paru dans la Vanguardia, Barcelone.
Parmi les contreparties au plan de sauvetage de 2010, Bruxelles a imposé une redevance sur l’eau courante, jusque-là gratuite. Depuis plusieurs semaines, la population ne décolère pas.
Le gouvernement ne comprend tout simplement pas. Il croit qu’il lui suffit de réduire le montant de la redevance sur l’eau pour que les manifestants rentrent chez eux et que tout revienne à la normale. L’opposition à la facturation de l’eau n’est pourtant pas près de disparaître. La manifestation du 10 décembre devrait à nouveau rassembler les foules et, au bout du compte, une majorité de gens ne paieront pas cette nouvelle redevance. Les Irlandais estiment que l’eau est un droit fondamental et que cette ressource ne doit pas devenir une marchandise sur laquelle on peut faire des profits.
Ils pensent qu’une fois introduite cette redevance risque d’augmenter considérablement comme cela s’est passé pour la redevance pour la collecte des ordures ménagères. Ils pensent aussi que le service des eaux sera ensuite privatisé comme celui de la collecte des ordures.
Lire l’article complet dans le N°1256 (27/11 au 3/12) du Courrier international.

Remunicipalisation dans 180 villes du monde

Plus de 180 villes et collectivités de 35 pays ont repris le contrôle de leurs services d’eau au cours des 15 dernières années, révèle un nouveau rapport publié aujourd’hui par le Transnational Institute (TNI), l’Unité de recherches internationale sur les services publics (PSIRU) et l’Observatoire des multinationales.

Le rapport Là pour durer : la remunicipalisation de l’eau, un phénomène global en plein essor, montre comment, malgré plus de trois décennies de promotion incessante de la privatisation et des partenariats public-privé (PPP) par les institutions financières internationales et certains gouvernements, l’expérience négative de la gestion privée de l’eau a convaincu de plus en plus d’élus que le secteur public est le mieux placé pour fournir un service de qualité aux citoyens et promouvoir le droit humain à l’eau.

Le phénomène du retour sous contrôle public de ce service public essentiel, connu sous le nom de remunicipalisation, a commencé à attirer une certaine attention en France, suite à la décision de grandes villes comme Grenoble, Paris, Rennes, Nice et récemment Montpellier de mettre fin aux contrats les liant aux grandes entreprises privées. C’est en fait un phénomène global, qui touche aussi bien les pays industrialisés que les pays du Sud. Des métropoles de classe mondiale comme Buenos Aires, Johannesburg, Accra, Berlin, Atlanta et Kuala Lumpur, se sont elles aussi engagées sur ce chemin.

La remunicipalisation est aussi un phénomène en pleine accélération : 81 remunicipalisations ont eu lieu dans des pays à revenus élevés entre 2010 et 2014, deux fois plus que durant les 5 années précédentes. Au cours de la même période, il n’y a quasiment eu aucun nouveau cas de privatisation de l’eau dans une grande ville du monde.

C’est la France – le pays ayant la plus longue expérience de la gestion privée de l’eau et qui accueille le siège social des deux leaders mondiaux du secteur – qui connaît l’essor le plus remarquable de la remunicipalisation de l’eau. Les élus locaux et les citoyens français ont fait l’expérience directe du « modèle de gestion » que les multinationales Veolia et Suez environnement ont ensuite cherché à exporter dans d’autres pays ; ils en tirent aujourd’hui les leçons.

Les raisons pour lesquelles les élus locaux choisissent de faire revenir le service de l’eau sous contrôle public sont similaires quel que soit le pays. Ces raisons incluent les faibles performances des prestataires, le sous-investissement, la flambée des factures d’eau, le manque de transparence et la mauvaise qualité de service.

La remunicipalisation tend en revanche à entraîner une amélioration de l’accès et de la qualité de service, car les ressources financières auparavant détournées sous forme de profits ou au bénéfice des actionnaires sont désormais réinvesties dans le service lui-même. Ce constate d’une performance égale ou supérieure des services publics de l’eau par rapport aux gestionnaires privés, avec des prix moins élevés, se retrouve dans des villes aussi différentes que Paris et Almaty (Kazakhstan). Dans certains cas, comme à Grenoble et à Buenos Aires, les nouveaux opérateurs publics ont considérablement augmenté les investissements dans les réseaux d’eau. Certaines municipalités ont également profité de la remunicipalisation pour renforcer la responsabilisation des opérateurs et la participation des citoyens à la gestion du service.

Ceci ne signifie pas que la remunicipalisation ne comporte pas de risques, notamment en raison de la pression des bailleurs de fonds internationaux et ou des mécanismes de protection des investisseurs. Certaines villes ont dû verser des indemnités aux anciens opérateurs privés pour compenser leur manque à gagner (Indianapolis) ; d’autres ont été poursuivies devant des tribunaux arbitraux internationaux (Buenos Aires) ; d’autres encore ont dû accepter de verser des sommes très élevées pour racheter les parts des opérateurs privés (Berlin).

Satoko Kishimoto, co-auteur du rapport, a déclaré : « Pour les maires et les élus locaux qui se posent actuellement la question, ce rapport démontre qu’il est possible de sortir de la gestion privée pour le plus grand bénéfice des citoyens. Un nombre croissant de services publics de l’eau, parfois eux-mêmes issus d’un processus de remunicipalisation, sont là, aux côtés d’autres institutions, pour partager leurs expériences et apporter un soutien pratique. La coopération entre services publics – non pas la privatisation – est le seul moyen efficace pour améliorer la qualité du service de l’eau partout dans le monde et promouvoir le droit humain à l’eau. »

Télécharger le rapport complet

un réseau qui réunit citoyens et associations autour de la ressource en eau en Île-de-France et sur tout le territoire français, sur tous les aspects: social, environnemental, économique, juridique, de la santé, culturel…