Le rapport de la commission du débat public consacré au projet du SEDIF a été publié le 20 septembre et présenté à Paris le 26 septembre en présence de la Coordination EAU IDF, de citoyens, d’élus et de représentants des régies publiques, et bien sûr, du SEDIF et des multinationales de l’eau. Le slogan de la commission du débat public « ma parole a du pouvoir » peut-il se vérifier dans les prochaines semaines avec l’abandon du projet du SEDIF et la réouverture d’un avenir commun pour l’eau en Île-de-France?
La présentation publique a été l’occasion pour notre association de remercier l’équipe du débat pour le travail accompli et pour la clarté de son rapport. Voir ci-dessous la vidéo de la soirée.
Le rapport (A retrouver sur la page les enseignements du débat) souligne d’emblée « l’aspect systémique, interconnecté et intégré du système de production et de distribution d’eau potable en Île-de-France« . C’est la donnée fondamentale que le projet du SEDIF impacte de plein fouet. Car celui-ci vise avant tout, selon Jacky Bortoli, chargé du cycle de l’eau à Grand Paris Sud, à conforter le « statut » du syndicat, c’est-à-dire sa position dominante sur le service public de l’eau en Île-de-France et derrière lui, celles de Veolia et de Suez, selon un partage établi de longue date. Des positions fragilisées ces dernières années par la montée en puissance des régies publiques sur tout le territoire francilien et par les velléités de maîtrise publique de la production de l’eau.
Le débat public a montré un quasi consensus des acteurs de l’eau contre le projet du SEDIF, y compris de la part d’acteurs que l’on n’attendait pas sur ce sujet et encore moins dans ce sens, comme le MEDEF, ainsi que l’a souligné Joël Josso, secrétaire de la Coordination EAU IDF. Plutôt que conforter son statut, le SEDIF a au contraire montré ses faiblesses et sa crise. La règle de silence que se sont imposés les élus du SEDIF tout au long du débat public s’est vérifiée une fois de plus lors de la soirée de présentation du rapport: motus et bouche cousue du premier président du SEDIF, Luc Strehaiano, pourtant présent dans la salle. Pas un mot de remerciement pour le travail de la commission, ni pour la participation du public et de tous les acteurs de l’eau en Île-de-France. Quel mépris!
Le rapport décrit longuement et précisément les arguments échangés au cours des trois mois du débat. Il se conclut par des demandes de clarification et de précision, adressées principalement au SEDIF et parfois à l’Etat, sur les enjeux sanitaires, environnementaux, socio-économiques, de proximité (travaux), de gouvernance et de solidarité, et sur les suites données au débat. Ces recommandations recoupent et légitiment les questions que notre association (et d’autres acteurs) ont posé sur ce projet, avant et tout le long du débat, ainsi que l’a souligné Jean-Claude Oliva, directeur de la Coordination EAU IDF.
Par exemple, sur les enjeux environnementaux, il est recommandé de « préciser l’impact de chacun des rejets de concentrats des trois usines sur les milieux naturels et sur tous les usages en aval en incluant différents scénarios climatiques ». Il est recommandé « d’évaluer les aires d’alimentation de captage les plus susceptibles d’influencer la qualité des eaux brutes de la Seine, de la Marne et de l’Oise et de préciser un programme de prévention de la pollution en amont » ce qui pourrait fonder une alternative au projet du SEDIF, dans la droite ligne des travaux du PIREN-Seine. Il s’agit encore « d’évaluer la mise en place d’un programme intégré de protection des ressources en eau », mais cela n’aurait-il pas du être fait avant de se lancer dans un projet comme celui du SEDIF ? Il s’agit « d’évaluer précisément les effets de la « filière membranaire haute performance » en terme d’analyse du cycle de vie et d’empreinte environnementale » intégrant ses impacts sur les autres usines de traitement de l’eau. Et enfin « d’évaluer les effets de la généralisation de cette technologie à l’échelle nationale ». C’est clairement l’objectif de Veolia d’utiliser le SEDIF comme vitrine pour développer ce procédé partout en France et dans le monde.
Les enjeux socio-économiques concernent « le coût actualisé du projet et l’évolution prévisible du prix de l’eau à moyen et long terme » ainsi qu’une explication « détaillée et complète des bénéfices en termes économiques pour les usagers », des questions auxquelles le SEDIF a bien été en peine de répondre au cours des débats.
Enfin les recommandations se concluent par « mettre en place un dispositif temporaire de dialogue rassemblant les acteurs de l’eau directs et indirects pour débattre de la redéfinition de la gouvernance de l’eau en Île-de-France ». Autrement dit, il s’agit de la proposition d’un Grenelle de l’eau, faite par les régies publiques, leurs autorités organisatrices et les associations. La Coordination EAU IDF est prête à tout faire, bien sûr, pour que cette demande soit entendue par l’Etat !
Selon les fortes paroles adressées au SEDIF par Jacky Bortoli lors d’une rencontre publique à Grigny: « nous vous demandons de revenir à la raison, d’ouvrir un débat avec les acteurs de l’eau, échanges que nous n’avons pas eus à ce jour collectivement, et quand tous les acteurs de l’eau vous appellent à la raison pour réfléchir en commun à l’avenir de l’eau en Île-de-France, parce que nous sommes interconnectés et que votre décision unilatérale va impacter tout le reste de la région Île-de-France, l’urgence c’est de retirer votre projet et de tout simplement organiser un Grenelle de l’eau qui prendra le temps qu’il faut et qui permettra d’avoir une vision commune et un niveau d’investissement financier commun ».
Et maintenant?
Si le rapport nous donne toute satisfaction, la suite qui y sera donnée est plus incertaine. En effet, il est difficile de croire que le SEDIF va répondre dans les prochaines semaines aux questions auxquelles il n’a pas souhaité répondre tout au long des trois mois de débat public.
Et les révélations successives de Marianne, de Blast et de l’Informé, sur le transfert par le SEDIF d’éléments-clés de la réponse de Suez pour l’appel d’offres pour le renouvellement de son contrat (qui inclut le projet de traitement de l’eau potable) à son concurrent Veolia, ajoutent de nouvelles incertitudes… Dans cette situation, erreur involontaire, erreur volontaire ou délit de favoritisme, la procédure d’appel d’offres ne peut pas continuer comme si de rien n’était. Et les solutions envisageables sont toutes aussi inconfortables les unes que les autres pour le SEDIF…
Le temps de l’action
Le débat public nous a fait prendre conscience du problème des PFAS, les polluants dits éternels, dans l’Oise. Ces polluants se retrouvent dans l’eau produite et distribuée par l’usine du SEDIF de Méry-sur-Oise à des doses inquiétantes. La source de cette pollution est bien connue depuis plus de dix ans. Mais ni le SEDIF, ni les pouvoirs publics n’ont engagé une quelconque action pour la faire cesser. Il est hors de question pour notre association d’attendre encore dix ou quinze ans la mise en place de l’osmose inverse basse pression pour voir ses polluants disparaître de l’eau du robinet des usagers ! C’est pourquoi la Coordination EAU Île-de-France a lancé une action avec la Fondation Danielle Mitterrand, FNE-IDF et le MNLE. Lire PFAS : appliquons le principe pollueur-payeur!
Suite à l’audition du 18 juillet au parlement européen (lire ici le compte-rendu), la pétition déposée par notre association sur le projet de généralisation de l’OIBP pour le traitement de l’eau potable du Syndicat des eaux d’Île-de-France est désormais en ligne sur le site web du parlement européen. A lire et à signer ici. Le SEDIF ne peut pas se prévaloir d’un durcissement de la réglementation européenne pour justifier son projet car celui-ci viole le droit européen de l’environnement sur de nombreux points!