Après l’abandon du projet pilote d’Arvigny, le SEDIF tente de relancer l’eau osmosée par une campagne médiatique (lire ci-dessous les articles de 20 minutes et du Parisien). Les montants des investissements sont toujours effarants (400 millions d’euros par usine, soit plus d’un milliard d’euros pour trois usines, selon 20 minutes) et une hausse des tarifs de 20 centimes par m3 est annoncée pour les usager.e.s. Le choix de commencer par l’usine de Méry-sur-Oise montre que le projet ne répond à aucune utilité pour la qualité de l’eau des usager.e.s. Car Méry-sur-Oise dispose déjà d’une technique plus sophistiquée (la nanofiltration) que les autres usines du SEDIF. S’il y avait un impératif à améliorer la qualité de l’eau, il aurait fallu commencer par les autres usines (Choisy-le-Roi et Neuilly-sur-Marne) moins performantes. Le durcissement des normes sur les micropolluants annoncé par André Santini est un fake : la directive européenne eau potable en décembre 2020 ne prévoit rien de tel. La seule motivation de l’eau osmosée est inavouable : maintenir au plus haut niveau la rente de Veolia.
Mais on ne nous dit pas tout! Citée dans l’article de 20 minutes, Anne-Laure Colon qui était cheffe du service études de faisabilité et filières haute performance, en charge du dossier technique de l’eau osmosée depuis 2016, a quitté le SEDIF. Qui croit encore à l’OIBP?
Maxi-investissement contre micropolluants
Le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) a décidé de consacrer près d’un milliard d’euros pour mettre en place la technologie de l’Osmose inverse basse pression. Par Guillaume Novello.
C’est un énorme projet à près d’un milliard d’euros qu’est en train de lancer le Syndicat des eaux d’Ile-de-France. Présidé par André Santini, maire d’Issy-les-Moulineaux et regroupant 135 communes franciliennes, le Sedif alimente plus de 4 millions d’habitants d’Ile-de-France en eau potable. Et dans son plan d’investissement 2022-2031, il prévoit d’intégrer le procédé de l’Osmose inverse basse pression (OIBP) à ses trois usines de Choisy-le-Roi, Méry-sur-Oise et Neuilly-sur-Marne.
Derrière cet acronyme barbare se cache une technique permettant de filtrer l’eau de manière extrêmement fine à travers des membranes percées de pores d’un diamètre d’un millième de micron. Elle est principalement utilisée pour le dessalement de l’eau de mer, mais à des pressions beaucoup plus fortes, d’où le BP de l’acronyme. Mais alors pourquoi appliquer une technique si onéreuse pour de l’eau douce ? « Pour éliminer le plus de micropolluants possibles, réduire le taux de calcaire et l’apport en chlore », explique Anne-Laure Colon, cheffe du service Études de faisabilité et filières hautes performances du Sedif.
Sus aux matières organiques
Si le calcaire et les micropolluants sont déjà présents dans les eaux de rivière puisées par le Sedif, le chlore, qui parfois donne un goût de piscine à l’eau du robinet, est, lui, ajouté à l’eau potable pour réduire le risque bactérien. « Or l’OIBP permet d’éliminer la matière organique qui est le substrat nutritif des bactéries, indique l’ingénieure. Par conséquent, avec l’OIBP, les bactéries ne peuvent proliférer et on a moins besoin d’ajouter du chlore à l’eau traitée. » L’inconvénient, c’est que l’eau produite avec l’OIBP est trop pure pour être consommée car manquant de sels minéraux. Il faut donc la mélanger avec de l’eau produite de façon classique, dite biologique, pour qu’elle soit potable.
Dans le projet initial, l’OIBP devait en premier lieu être utilisée dans le site pilote d’Arvigny à Savigny-le-Temple (Seine-et Marne). Mais les élus locaux, et notamment l’agglo Grand Paris Sud, n’étaient pas très chauds, qualifiant même le projet de « non-sens environnemental » dans un communiqué de presse. Actant de l’arrêt du projet d’Arvigny le 25 avril, le Sedif s’est donc rabattu sur l’usine de Méry-sur-Oise (Val-d’Oise), dont le maire Pierre-Edouard Eon est l’un des vice-présidents, ce qui limite les risques d’opposition.
Une super-nanofiltration
Mais surtout, depuis 1999, l’usine de Méry dispose, à côté de sa filière biologique, d’une filière membranaire par nanofiltration. En gros l’OIBP mais en moins fin, les pores faisant entre un dixième et un centième de micron. D’ailleurs, l’édile assure qu’avec l’OIBP « nous sommes dans la continuité de cette technologie même si le saut technologique est beaucoup moins fort qu’en 1999 ». Il suffit en effet de changer les membranes pour passer de la nanofiltration à l’OIBP, c’est pourquoi l’opération devrait coûter moins de 15 millions d’euros hors taxes.
Or coup de chance, les membranes actuelles, en fin de vie, ont besoin d’être remplacées, mais elles ne sont plus produites. Donc autant passer au stade supérieur d’autant que, assure Anne-Laure Colon, « l’OIBP ne consomme pas plus d’énergie que son prédécesseur ». Reste à savoir si cette migration l’OIBP va passer par une phase pilote (celle qui aurait dû se faire à Arvigny) ou si le Sedif va y aller franco. Ce dernier décidera à l’issue d’une réunion d’arbitrage le 15 juin.
Retoqué en Seine-et-Marne, le projet polémique d’une eau «plus pure que pure» verra le jour dans le Val-d’Oise. Par Marie Briand-Locu.
Refusé par la préfecture de Seine-et-Marne, le projet d’une « eau plus pure que pure » — contesté par certains élus — verra finalement bien le jour à Méry-sur-Oise (Val-d’Oise) en 2025. Le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) a présenté ce mercredi (18 mai) les grandes lignes de sa super eau « sans chlore ni calcaire », obtenue à l’aide d’une technique de filtration « novatrice » appelée « osmose inverse basse pression ». Un terme qui désigne un procédé utilisé au départ pour désaliniser l’eau de mer.
Après le revers en Seine-et-Marne, le Sedif a reporté son attention vers son usine de Méry-sur-Oise pour y installer cette technologie. D’ici à 2025, il prévoit d’approvisionner avec cette « eau d’excellente qualité » une quarantaine de communes du Val-d’Oise et quelques-unes de Seine-Saint-Denis, comme Épinay-sur-Seine.
André Santini, le président du Sedif, croit dur comme fer à la réussite de son projet en pariant qu’à l’avenir les usagers ne boiront plus d’eau en bouteille. Il veut aussi anticiper le durcissement des normes concernant les micropolluants contenus par l’eau actuellement consommée. « On en découvre tous les jours. Je ne suis pas sûr qu’ils soient tous bons pour la
santé », relève ainsi Luc Strehaiano, vice-président du Sedif.
« Il n’y a aucun risque qu’on nous retoque pour
des raisons environnementales »
Comment ça marche ? Concrètement, le traitement membranaire par osmose consiste, à l’origine, à désaliniser l’eau de mer. Il permet d’obtenir une qualité de l’eau inédite, en éliminant tous les micropolluants grâce à un filtrage ultrafin ne laissant passer que les molécules d’eau. Mais cette eau devient alors « trop pure » et doit recevoir les minéraux à la sortie de
l’usine afin de… redevenir potable !
Le plan d’investissement du Sedif pour cette technologie s’élève à la somme colossale de 800 millions d’euros. À l’origine, le syndicat voulait que l’usine d’Arvigny (Seine-et-Marne) soit son site pilote. Sauf que derrière la publicité alléchante sur le papier, certaines voix d’élus se sont élevées contre ce projet jugé « trop coûteux et surtout antiécologique ».
Un ingénieur qui a épluché le dossier fait ainsi remarquer que la production de cette eau implique de consommer trois fois plus d’électricité dans les usines. En outre, cette technologie coûteuse se répercutera sur le prix de l’eau, qui augmentera de 20 centimes par mètre cube pour les usagers.
À cause de ces réticences, le Sedif a abandonné son idée de site pilote. Dans l’usine de Méry-sur-Oise, les membranes utilisées pour filtrer l’eau devaient être changées en 2025. Le syndicat a saisi cette opportunité pour les remplacer par celles utilisant l’osmose inversée basse pression.
« Finalement, on économise de l’argent », lâche Pierre-Edouard Éon, vice-président du Sedif et maire de Méry-sur-Oise. De son côté, Luc Strehaiano lève les yeux au ciel à l’évocation de la fronde d’élus en la taxant de « bisbilles politiques ».
Mais cette fois, le Sedif tient à souligner « un changement de fond » pour son projet à Méry-sur-Oise. À Arvigny, l’eau devait être puisée dans une nappe phréatique, puis les résidus retirés après filtration reversés dans la Seine. « Là, l’eau sera puisée dans l’Oise, puis le condensat de résidus sera reversé à nouveau dans la rivière, insistent-ils. Il n’y a donc aucun risque qu’on nous retoque pour des raisons environnementales, comme cela a été le cas. »
Un condensat de résidus équivalent à dix piscines olympiques
À Arvigny, le condensat de résidus devait atteindre 3 500 mètres cubes par jour. À Méry, la production moyenne d’eau avoisine les 152 000 mètres cubes par jour. Les résidus reversés dans l’Oise représenteront au moins 20 000 mètres cubes, soit l’équivalent de dix piscines olympiques, selon le même ingénieur. On remettra donc dans l’Oise une eau « beaucoup plus concentrée » que celle que l’on a prise et donc « plus polluée » dans la rivière.
D’après lui, il n’y aurait même « aucune raison sanitaire » de basculer à l’osmose inverse dans les usines du Sedif qui utilisent déjà « le dispositif de filtration le plus élaboré en Île-deFrance ». Certains experts estiment que Veolia et le Sedif espèrent surtout rendre obsolète les autres usines franciliennes afin d’avoir le monopole du marché. « Tout le monde devra de toute façon respecter les futures normes », botte en touche Pierre-Edouard Éon.
Quant aux craintes sur le prix de l’eau, le syndicat promet qu’il sera compensé par une économie de 100 euros net par foyer par an. « Les usagers n’achèteront plus d’eau en bouteille, les équipements comme les machines à laver dureront plus longtemps car notre eau aura moins de calcaire etc., énumèrent-il. Cela permettra des économies. »
D’ici à 2030, le Sedif veut doter ces deux autres usines de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) avec ce dispositif. Objectif, à terme : alimenter ses 4,5 millions d’usagers franciliens avec cette « eau plus pure que pure».