Eau de Paris avait invité, lundi 5 juillet 2021, plusieurs élus venus du Grand Paris mais aussi de province pour visiter les travaux de son usine d’Orly et défendre le modèle de la régie publique de l’eau. La technologie de l’OIBP (osmose inverse basse pression), choisie par le Sedif voisin, a été, à cette occasion, assez vivement critiquée.
C’est une conférence très politique qu’avait organisée Eau de Paris ce lundi 5 juillet 2021 dans son usine d’Orly, située sur les bord de Seine à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne). Autour de Dan Lert, adjoint à la maire de Paris en charge de la transition écologique, du plan climat, de l’eau et de l’énergie, se trouvaient en effet rassemblés Michel Leprêtre, président de Grand-Orly Seine Bièvre (Val-de-Marne/Essonne), Michel Bisson, président de Grand Paris Sud (Essonne), Christophe Lime, vice-président du Grand Besançon et président du réseau France eau publique, ainsi que Paul Raoult, président de Siden-Sian-Noréade – un syndicat des eaux fonctionnant en régie publique dans le Nord de la France -, et Danielle Mametz, vice-présidente de Noréade.
« Un modèle de gestion de l’eau sur le long terme »
Le point commun entre tous ces élus ? Leur engagement en faveur d’un mode de gestion publique de l’eau. Eau de Paris est revenue à la régie il y a une dizaine d’années et « les travaux en cours dans l’usine d’Orly (voir ci-dessous) montrent la dynamique à l’œuvre chez les opérateurs publics. La gestion publique est la meilleure garantie de la gestion durable de l’eau, a ainsi introduit Dan Lert. Ce modèle est en progression : la part de la population française approvisionnée par une eau en régie est passée, ces dernières années, de 30 à 42 % et bientôt 45 % lorsque Bordeaux et Lyon franchiront à leur tour le pas ».
Aux côtés de l’élu parisien, Michel Leprêtre a rappelé que neuf villes de Grand-Orly Seine Bièvre sont sorties du Sedif au 1er janvier 2021. Elles vont organiser, entre la fin du mois d’août et la mi-septembre, une consultation citoyenne pour savoir s’il convient de créer une régie publique de l’eau.
Cinq autres communes du territoire s’approvisionnent auprès d’usines gérées par Suez « et aucune ne paie le même prix au mètre cube. Cela montre bien qu’aucune ne paie un prix juste. Car face à l’émiettement des interlocuteurs publics, existent en France des opérateurs privés qui sont devenus des géants », a estimé l’élu.
Initiatives essonniennes
Grand Paris Sud, pour sa part, est déjà organisée en régie publique de distribution. Mais la communauté d’agglomération entend aller encore plus loin : des négociations sont en cours avec Suez pour racheter les trois usines qui approvisionnent le territoire, notamment la plus grande, celle de Morsang-sur-Seine. « Nous ne sommes pas d’accord sur le prix – Suez demande 68 millions d’euros environ pour ce site, Grand Paris Sud en propose une vingtaine -, mais nous avons déjà un accord de principe », s’est félicité l’élu essonnien.
Un syndicat mixte fermé a en outre été constitué, qui pourrait prendre en régie les opérations de production. Les territoires voisins de Cœur d’Essonne, Val d’Yerres Val de Seine, mais aussi, peut-être, de Paris-Saclay voire certaines villes de Grand-Orly Seine Bièvre pourraient le rejoindre. « L’eau est un bien public sur lequel il faut une maîtrise publique », a justifié Michel Bisson. « Or nous sommes en train de passer d’un système de marchandisation de l’eau à un système de financiarisation de l’eau », a renchéri son vice-président, Philippe Rio. Grand Paris Sud a également insisté sur la nécessaire coopération entre les différents acteurs de l’eau franciliens, pour qu’ils puissent mutualiser leurs moyens en cas de crise plutôt que de bâtir des équipements redondants.
« Le contrôle public de l’eau est d’autant plus nécessaire que la qualité de la ressource se détériore constamment, en raison des pollutions industrielles, tertiaires et, surtout, agricoles. Cela implique de collaborer étroitement avec les acteurs concernés », ont insisté les deux représentants du Siden-Sian-Noréade. « Grenoble a pu augmenter ses investissements de 40 % sans augmenter les tarifs
lorsque la Ville est revenue en régie publique », a pour sa part assuré Christophe Lime, qui a poursuivi : « ces derniers mois ont été marqués par la concentration des grands groupes privés de l’eau et, dans le même temps, ils se sont engagés dans une fuite en avant technologique qui va à rebours des impératifs de la transition écologique ».
« Une technologie chère et inutile »
Car l’opposition entre les deux modes de gestion régie publique/délégation de service public, est aussi, selon les intervenants de la conférence, une opposition technologique. Et la conférence a été largement consacrée à la critique de la technologie de l’OIPB (osmose inverse basse pression), choisie par le Sedif pour éliminer de l’eau calcaire, chlore, micropolluants et perturbateurs endocriniens. Le Syndicat des eaux d’Ile-de-France compte y consacrer plus de 800 millions d’euros d’investissements dans les dix années à venir pour équiper ses deux grandes usines de Choisy-le-Roi et de Neuilly-sur-Marne (Val-de-Marne).
« C’est une technologie chère et inutile », n’a pas hésité à juger Dan Lert. « Nous préférons pour notre part protéger la ressource près des points de captage en aidant à l’installation d’exploitations agricoles biologiques. Car mieux vaut prévenir plutôt que guérir et réduire les doses de nitrates et de pesticides dès l’origine, ce qui permet de réduire les traitements sur l’eau », a poursuivi l’élu parisien.
Les investissements à venir du Sedif auront des conséquences pour ses voisins : « non seulement la technologie consomme 25 % d’eau et 100 % d’électricité en plus, mais des rejets sont réalisés dans le fleuve qui risque de détériorer la qualité de l’eau », a indiqué Philippe Rio. « En outre, il ne sera plus possible de mutualiser nos ressources, puisqu’on ne pourra plus mélanger cette eau plus pure que pure à la nôtre », a ajouté Jacky Bortoli, conseiller communautaire de Grand Paris Sud.
Orly 2, 45 millions d’euros d’investissement pour augmenter la résilience
Baptisée « usine d’Orly » alors qu’elle se trouve à Choisy-le-Roi, en bord de Seine, l’usine val-demarnaise d’Eau de Paris, qui alimente environ 800 000 usagers, continue de filer la métaphore aérienne : elle aura en effet bientôt une petite sœur, Orly 2.
Débutés en 2019, les travaux de construction de cette nouvelle unité devraient s’achever début 2022, pour une mise en service à l’été suivant. Mais il ne s’agit pas d’augmenter la capacité du site (300 000 m3 d’eau par jour), qui restera inchangée. « En revanche, cette capacité sera désormais répartie sur deux usines au lieu d’une, ce qui améliorera la résilience du système. Nous pourrons arrêter une usine sans faire de même pour l’autre », a expliqué Arnaud Lefort, directeur du projet.
Chacune des unités dispose en outre d’un système de pompage distinct dans la darse où sont en permanence stockés 300 000 m3 d’eau venant de la Seine voisine. « Cela donne au site une autonomie de deux jours », a signalé Dan Lert. Particularité de la nouvelle unité : elle a choisi la technologie Carboplus, développée par la société Stereau. Après l’étape de la décantation, l’eau est traitée par des charbons actifs à renouvellement continu, ce qui permet d’assurer un meilleur traitement des micro-polluants. « 80 % des charbons actifs sont en outre régénérés et réutilisés », explique Arnaud Lefort.
Orly 2 a remporté en juin 2021 le prix du projet de l’année des Global water awards, décerné par le Global water summit. Il récompense « le projet qui démontre la plus grande innovation en termes d’optimisation de son empreinte physique et environnementale ».