La préfecture de Seine-et-Marne a refusé l’autorisation environnementale nécessaire au syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) pour lancer son projet d’osmose inverse basse pression sur son usine d’eau potable de Savigny-le-Temple. Une décision saluée par les nombreux opposants. Par Sylvie Luneau.
Après la décision de l’agence de l’eau Seine-Normandie de ne pas subventionner le projet d’osmose inverse basse pression (OIBP) de l’usine d’eau potable de Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne), en octobre dernier, et la décision défavorable de la commission départementale d’évaluation des risques sanitaires et technologiques (CODERST), c’est au tour de la préfecture de Seine-et-Marne de ne pas accorder (refus implicite) l’autorisation environnementale nécessaire pour ce projet du Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF).
Maintien du projet malgré tout
« Le puisage dans la nappe souterraine de Champigny ne posait pas de problème, puisque même si nous puisons environ 10 % de plus, nous restions dans les limites de prélèvements accordés. En revanche, l’autorisation visait la canalisation de rejet des concentrats (sels minéraux, nitrates, etc.) en Seine. Cette canalisation longue de plusieurs kilomètres n’est donc pas autorisée. Nous allons continuer à discuter avec les différents acteurs pour trouver un terrain d’entente », affirme Guillaume de Stordeur, attaché de presse du SEDIF.
Mais quoi qu’il en soit, le syndicat compte maintenir son projet. Il argue que celui-ci a obtenu un avis favorable du commissaire enquêteur et que le déploiement de l’OIBP a été voté par les élus du comité syndical en décembre dernier : 800 millions d’euros y seront consacrés, sur l’ensemble de ses usines. Ce projet nommé « Vers une eau pure, sans calcaire et sans chlore », s’inscrit dans son plan d’investissement
2022-2031.
Recours administratif et autres pistes
Le SEDIF propose de mener des études complémentaires sur les rejets en Seine. « Même si celles que nous avons déjà effectuées montrent qu’il n’y a aucun impact ni sur la qualité de l’eau et ni sur les écosystèmes », soutient Guillaume de Stordeur. Enfin, si cela ne suffit pas, le SEDIF attaquera la décision préfectorale devant le tribunal administratif.
Autre piste : déployer directement l’OIBP sur ses deux grandes usines d’eau potable (Choisy-le-Roi et Neuilly-sur-Marne), sans passer par le test à petite échelle sur celle d’Arvigny à Savigny-le-Temple. « Ce sera plus simple pour nous, car ces deux sites sont à proximité immédiate de la Seine, il n’y aura donc pas besoin de construire de longues canalisations de rejet, comme c’est le cas à Arvigny », explique l’attaché de presse.
« Victoire historique »
Pour la Coordination EAU Île-de France, qui regroupe une douzaine de villes sorties du SEDIF depuis 2018, cette décision de la préfecture est « une victoire historique ». La Coordination considère que « le projet d’eau « plus que pure » du SEDIF et de son mentor Veolia est très coûteux écologiquement et budgétairement et ne répond pas aux attentes des usagers ». Pour l’association, « ce projet délirant d’OIBP est potentiellement bloqué pour plusieurs années ».
Dans un communiqué commun, les communes concernées (Savigny-le-Temple et Lieusaint), les départements de Seine-et-Marne (77) et de l’Essonne (91), l’association des maires du 77, le député du 77 (Olivier Faure), ainsi que l’agglomération Grand Paris Sud demandent également au SEDIF de renoncer à ce projet. Ils soulignent que le projet « demande un prélèvement de 15% d’eau en plus pour produire la même quantité d’eau potable (…) dans une nappe en tension quantitative et qualitative ».
Vague citoyenne
Les associations mesurent le changement apporté par la « vague citoyenne » de remunicipalisation de l’eau depuis 10 ans « Nous sentons que les choses bougent, y compris dans l’administration. On assiste à un vrai mouvement d’affranchissement de l’emprise des multinationales, de la part des collectivités territoriales et des services de l’État », se réjouit Pascal Grandjeat, membre de l’association Eau publique Orge Essonne et de la Coordination EAU Île-de-France.
Au-delà, la question de l’impact de cette affaire sur le renouvellement en cours de la DSP pour 2024-2036 se pose. « Nous sommes en phase d’appels d’offres et les candidatures seront analysées au printemps. Le déploiement de l’OIBP sera à la charge de ce nouveau délégataire » explique Guillaume de Stordeur. Cet OIBP pèse donc bien sûr très lourd dans le cahier des charges. Même si le résultat ne donne pas lieu à beaucoup de suspens. Vu que Veolia eau Île-de-France est dans la place depuis toujours…