Eau et climat au Forum Social Mondial de Tunis

Daniel Hofnung à gauche et Emmanuel Poilane à droite

Environ 50.000 personnes venues de 162 pays étaient sur le campus « El Manar » de l’université de Tunis pour ce forum, avec 1070 activités. La délégation de la Coordination Eau Île-de-France a participé à la série d’ateliers « Eau, planète et peuples -EPP2 » (eau et climat, eau et agriculture, eau et droit, eau et énergie) organisés autour de France-Libertés et du CRID.

Sur le premier thème « eau et climat », l’hydrologue slovaque Michal Kravčík a expliqué la baisse tendancielle de l’infiltration d’eau dans le sol et du renouvellement des nappes phréatiques, avec la croissance du ruissellement qui se fait au détriment des eaux souterraines, à la campagne comme à la ville : l’eau contenue dans les sols diminue en même temps que le niveau des mers s’élève. Ce déficit contribue au réchauffement climatique, avec la modification de l’évaporation et l’augmentation de la transformation du rayonnement solaire en chaleur sensible sur des sols plus secs.

Cette explication complémentaire du réchauffement ouvre la possibilité d’agir positivement sur le climat en restaurant le petit cycle de l’eau par l’infiltration de l’eau dans le sol : on retrouve ici des solutions proches de celles préconisées par l’agence de l’eau RMC.

Dans son pays, un programme a été conduit en 2011-12 avec la réalisation de petites retenues, en général réalisées avec des troncs d’arbres, sur le cours haut des rivières afin de lutter contre les inondations et infiltrer l’eau. Ce type d’ouvrage coûte 5 à 10 fois moins cher que les solutions plus techniques proposées habituellement, et offre de l’emploi local. La conséquence a été la régularisation sur l’année du régime des cours d’eau concernés et la hausse du niveau des nappes.

J’ai moi-même complété sur la problématique urbaine, avec deux images issues de l’animation du site de l’agence de l’eau R-M-C dont j’ai souligné la qualité du travail, puis des exemples d’infiltration d’eau en ville, pouvant aller à 100 % des eaux de pluie. J’ai rappelé le rôle central de l’arbre, à la fois pour l’infiltration de l’eau dans le sol et pour le rafraîchissement lié à l’évapotranspiration.

Un participant du Burkina Faso a été dans le même sens : l’ONG a fait une sensibilisation de la population au rapport entre eau et climat, avec la disparition des arbres dont les jeunes n’avaient pas conscience. Quand cela a été compris, des petits barrages de sable ont été réalisés sur des cours d’eau. En moins d’un an le niveau d’eau a remonté dans les puits et l’herbe a réapparu.

Michal  Kravčík a jugé l’actuelle politique de l’eau visant la protection de la ressource et des aquifères insuffisante, et s’est prononcé pour une nouvelle génération de lois fixant la responsabilité de retourner l’eau à l’écosystème et au cycle de l’eau.

C’est la préoccupation que nous avons portée avec Nathalie Seguin, du Mexique, à l’assemblée de convergence sur « Terre et Eau ». La déclaration « contre l’accaparement de l’eau et des terres » qui a été adoptée fait désormais mention du cycle de l’eau.

© Tribune de Daniel Hofnung pour ATTAC et Coordination Eau – Île de France

Les associations « pour l’eau publique » de la Vallée de la Seine s’opposent à la privatisation de l’eau

L’adoption par l’Assemblée Nationale, le 10 mars dernier, de la nouvelle loi de décentralisation portant la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (loi NOTRe) a pour conséquence de faire disparaître les syndicats intercommunaux, notamment dans les secteurs de la fourniture de l’eau potable et l’assainissement, au profit de gigantesques intercommunalités. Celle qui nous concerne, devrait comporter 405 000 habitants de Conflans Sainte Honorine à Rolleboise.

Ce transfert de compétence aboutira à dessaisir les communes de la responsabilité du service de l’eau qui était la leur dans l’exercice d’un service public, renforcera la mainmise des sociétés privées multinationales du secteur et éloignera encore un peu plus les citoyens de leur capacité à contrôler la qualité de l’eau, l’entretien du réseau de distribution et les prix pratiqués.

Alors que les dispositions prises par les régies publiques au profit des consommateurs domestiques démontrent les avantages que ceux-ci peuvent tirer de l’existence des régies (comme celle de Limay-Guitrancourt), la privatisation conduit, à l’inverse, à des prix plus élevés pour un service dont les performances restent largement « perfectibles ».

Nos Associations, réunies le 4 avril 2015 en Mairie de Limay, réaffirment leur volonté de défendre et de préserver les régies existantes et de combattre pour que la distribution de l’eau potable et l’assainissement soient assurés et unifiés par un service public en régie commun au nouvel ensemble.

Elles décident d’engager une campagne d’information de tous les habitants de la future agglomération « Grand Paris Val de Seine » et d’organiser une série de réunions publiques sur ce sujet à partir d’octobre 2015.

AREP-CAMY – Association Les Mur’Eau – Eau Val de Seine – ARRPE-Courgent.

Coupures d’eau pour impayé : une nouvelle victoire en justice

Le tribunal d’instance de Gonesse a condamné la Compagnie des Eaux de Goussainville à verser 800€ de préjudice matériel et 1.200€ de préjudice moral à une victime de coupure d’eau.

France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France ont attaqué la Compagnie des Eaux de Goussainville aux côtés d’une victime de coupure d’eau. Dans l’ordonnance de référé rendue le 16 avril 2015, le juge a rappelé que :

«  L’alinéa 3 [de l’article 1 du décret du 13 août 2008 dans sa version modifiée par le décret du 27 février 2014] prohibe l’interruption de la fourniture d’eau pour une résidence principale en cas de non-paiement des factures pendant toute l’année »

Le distributeur avançait la prétendue « mauvaise foi » de la victime :

« [la plaignante] est de mauvaise foi ; elle n’a jamais contesté les factures émises par la société CEG […] cependant elle n’a jamais eu l’intention de les payer ».

Cette attitude des entreprises de l’eau est en contradiction flagrante avec la notion même de service public, dont on attend, au minimum, le respect des lois et des droits des usagers. Or nous recevons chaque jour de nouveaux témoignages de coupures.

France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France appellent les distributeurs à cesser immédiatement toutes les coupures d’eau et à appliquer la loi, renforcée par les jugements successifs (cf Soissons, Bourges, Valenciennes, Thionville, Lyon) et par les débats de l’année écoulée.

Brottes contre Cambon : le service public de l’eau à nouveau garanti pour les plus démunis

France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France se réjouissent que l’amendement de François Brottes, rétablissant l’interdiction des coupures d’eau, ait été adopté hier par l’Assemblée Nationale, en commission spéciale, dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique.

L’amendement n°822 remplace celui du sénateur Christian Cambon (article 60 bis A) qui rétablissait la pratique des coupures d’eau sauf pour les personnes « éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence ». Nous saluons cet amendement qui revient au droit en vigueur en rétablissant l’interdiction généralisée de cette pratique indigne.

« Si l’article introduit par le Sénat se justifie sur le plan théorique […], l’interdiction de coupure d’eau sans condition de ressources répond à la nécessité d’être pragmatique. Les personnes confrontées au risque d’une coupure d’eau sont dans une situation d’urgence, la plupart du temps non prévisible. […] Le temps de l’urgence n’est pas celui de l’appréciation de conditions, au demeurant exprimées dans des termes trop généraux pour permettre une décision rapide. Maintenir l’article 60 bis A, c’est prendre le risque de procéder à des coupures d’eau qui ne se justifiaient pas, et donc de priver d’un bien essentiel des ménages en grande difficulté »

Nous appelons les distributeurs à cesser immédiatement toutes les coupures d’eau et à appliquer la loi, renforcée par les jugements successifs (cf. Soissons, Bourges, Valenciennes, Thionville) et par les débats de l’année écoulée.

France Libertés et la Coordination Eau Île-de-France regrettent que l’amendement donne aux distributeurs d’eau la possibilité de procéder à une réduction de débit. Elles seront très attentives à la mise en place de réglementations pour que, contrairement à la situation actuelle (cf. jugement de Lyon), la mise en œuvre de la réduction de débit soit une mesure exceptionnelle et n’attente pas à la dignité des personnes. Pour exemple, la réduction de débit ne saurait intervenir pendant la trêve hivernale car elle impacterait directement la capacité des foyers à pouvoir se chauffer.

Consultez l’amendement n°822

Procès Cristaline: un jugement exemplaire

Communiqué d’Eau de Paris. Ce 16 avril 2015, la 31ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné le fabriquant d’eau en bouteilles Cristaline pour publicité comparative illicite. Le jugement, qui intervient après huit années de procédure judiciaire, condamne Cristaline et deux autres sociétés du groupe à payer 100 000 euros d’amende, 50 000 euros de dommages et intérêts à chacune des parties civiles ainsi qu’à publier la condamnation intervenue dans Le Parisien, Le Figaro et 20 Minutes. Eau de Paris qui est à l’origine de cette plainte, salue la décision du juge qui reconnaît que « les condamnés s’attaquent à un bien de première nécessité et portent atteinte de manière injustifiée à la qualité du produit, faisant peser un doute sur l’existence d’un risque pour la santé publique ».

La condamnation du groupe Cristaline fait suite au dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile par Eau de Paris en janvier 2007. L’association de consommateurs UFC-Que Choisir et le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (SEDIF) s’étaient joints à la procédure. En janvier 2007, en effet, Cristaline lançait une importante campagne d’affichage massive baptisée « Qui prétend que l’eau du robinet a bon goût ne doit pas en boire souvent » ou encore « je ne bois pas l’eau que j’utilise » avec une photo de cuvette de toilettes ouverte. Cette campagne, en faveur de l’eau de source de la marque Cristaline, dénigrait la qualité de l’eau du robinet et engendrait de la suspicion sur sa potabilité. En alimentant la défiance à l’égard de l’eau du robinet, les affiches diffusées en Ile-de-France laissaient entendre que les autorités sanitaires autorisaient la consommation d’une eau de mauvaise qualité. Le tribunal souligne en particulier que cette campagne a « nuit également au fonctionnement régulier d’un service public,(…), et à la santé publique ».

Pour Célia Blauel, adjointe à la Maire de Paris en charge de l’environnement et Présidente de la régie publique Eau de Paris, « l’eau est un produit vital, rare, de première nécessité. Je déplore de manière générale que des entreprises fassent du profit sur l’eau. Lorsqu’elles utilisent le mensonge et la caricature, il est normal qu’elles soient jugées et condamnées. Cette condamnation est exemplaire et je m’en félicite. »

À Paris, la régie permet à 3 millions de personnes de consommer quotidiennement une eau de qualité, équilibrée en minéraux et très économique : un Parisien qui boit 1,5 litre d’eau de Paris par jour paie 1,7 € par an. Boire l’eau de Paris, c’est également faire un geste écologique en réduisant le volume d’emballages.

Il sera proposé au Conseil d’administration d’Eau de Paris de reverser les dommages intérêts perçus à des associations pour mener des actions de sensibilisation à la consommation éco-responsable de l’eau.

Le conflit emblématique entre Suez et l’Argentine

 

Un tribunal arbitral international vient de condamner l’Argentine à verser près de 400 millions d’euros à Suez environnement, pour avoir renationalisé le service de l’eau de Buenos Aires en 2006, après des années de conflits. La firme française a eu recours aux mêmes mécanismes de « résolution des disputes entre États et investisseurs », ou ISDS, qui sont aujourd’hui au centre de la contestation du projet d’accord commercial entre Europe et États-Unis. Une décision qui illustre combien, dans leur fonctionnement actuel, les procédures ISDS ne tiennent véritablement compte ni des droits humains ni de la responsabilité des États vis-à-vis de leurs citoyens, en faisant primer la loi d’airain de la protection des investissements.

L’État argentin a été condamné par le CIRDI [1], un tribunal commercial dépendant de la Banque mondiale, à verser une compensation de 405 milliards de dollars US (380 millions d’euros) à Suez environnement, suite à l’annulation en 2006 du contrat de privatisation de l’eau de Buenos Aires. Un arbitrage rendu dans le cadre des procédures dites de « résolution des conflits entre États et investisseurs », ou ISDS, prévues dans le traité bilatéral d’investissement signé entre la France et l’Argentine dans les années 1990 – ces mêmes mécanismes qui font aujourd’hui polémique dans le cadre du débat sur le projet de « Pacte transatlantique de commerce et d’investissement » (communément désigné par les sigles TTIP ou TAFTA). La décision du CIRDI illustre parfaitement les raisons pour lesquelles les mécanismes ISDS se retrouvent aujourd’hui sous le feu des critiques.

Ces tribunaux arbitraux privés, dont le CIRDI est le principal au niveau mondial, sont accusés de fonctionner de manière opaque et d’être structurellement biaisés en faveur des intérêts privés. Surtout, ils prennent généralement leurs décisions en se référant uniquement aux dispositions des traités d’investissements et plus généralement du droit commercial privé, sans réellement tenir compte des autres dimensions du droit international, et notamment du devoir de protection des droits de l’homme. Le litige entre Suez et l’Argentine en constitue un exemple particulièrement emblématique, puisque le gouvernement argentin a tenté, sans succès, d’invoquer « l’état de nécessité » face au « péril grave et imminent » résultant de la dramatique crise financière de 2001-2002, ainsi que son devoir de protection du « droit à l’eau », pour justifier l’annulation du contrat qui le liait à Suez.

par Olivier Petitjean

Photo : Daniel Lobo CC

[1Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements

Lire l’article intégral de l’Observatoire des multinationales

un réseau qui réunit citoyens et associations autour de la ressource en eau en Île-de-France et sur tout le territoire français, sur tous les aspects: social, environnemental, économique, juridique, de la santé, culturel…